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Amir
« On évolue quand on perd un être cher»

Le chanteur franco-israélien vient de sortir son cinquième album , C AMIR. Plus authentique que jamais, il y parle de sa mère, du 7 octobre et de résilience.

PAR JEAN-DANIEL SALLIN

Crédit : YANN ORHAN

Pour écrire cet album, Amir a réuni une dizaine d’amis à Saint-Paul de Vence, dans le sud de la France. En dix jours, une trentaine de chansons étaient créées.

Quatre ans, ça peut paraître court dans une vie. Mais, quatre ans suffisent parfois à bouleverser un être humain jusqu’à le faire grandir, changer, réfléchir… Amir a changé depuis la sortie de son dernier disque, Ressources, en 2020. Il n’est plus le même homme, plus le même artiste. Parce qu’il a été touché dans sa chair, dans son cœur. Parce que son âme d’enfant a perdu ce qu’il avait peut-être de plus cher sur cette Terre : sa mère. Après plus de deux ans de lutte contre la maladie, Carmi Haddad est en effet décédée le 22 avril 2023 à l’âge de 65 ans, laissant Amir, ses deux sœurs et son frère orphelins. Dès qu’il apprit le diagnostic, Amir décida de se retirer de la vie publique, pour se consacrer à sa famille et soutenir sa maman dans ce combat. Sa disparition a été vécue comme un séisme par le chanteur. « J’ai pris plusieurs mois pour me reconstruire, pour reconstituer ce tissu familial qui a été fortement bouleversé », explique-t-il avec pudeur, lorsqu’on le rencontre à l’hôtel N’vy, à Genève. « J’ai commencé à reprendre goût à la vie et à avoir un peu de recul avec tout ça en janvier. À ce moment-là, j’étais prêt à écrire, je savais que mon écriture ne serait pas seulement teintée de peine, mais qu’elle porterait beaucoup d’espoir. »

Amir a alors réuni une dizaine d’amis proches à Saint-Paul de Vence, en Provence. Mission : écrire un nouvel album en dix jours ! « C’est la première fois que je vivais une telle expérience, avec cette unité de temps et d’espace. Mais nous ne savions pas si l’inspiration serait présente. » Le miracle a pourtant bien lieu : à la fin de cet atelier d’écriture, non seulement, l’album existe, mais le chanteur a trois fois plus de titres que prévu. Pour lui, l’explication est claire : une fois le « barrage » ouvert, tout s’est déversé avec limpidité. « Les mots étaient là, attendant de sortir. Je savais que je voulais parler de ma grand-mère, de mes matins, de la résilience, de la combativité, de ma mère, de mon père… Les idées se sont mises en place dans mon cœur, dans ma tête, pendant ces deux ans et demi. »

Au moment de poser les mots sur le papier, au moment de choisir les douze chansons pour cet album, Amir a su écouter les signaux au fond de son être. « On évolue quand on perd un être cher. Toute personne qui traverse un défi dans sa vie fait un nouveau calcul de route et de son positionnement vis-à-vis de sa famille, de ses proches et de son rôle dans le monde », précise-t-il. « À partir du moment où vous redéfinissez le sens de vos priorités, votre manière de vivre, de réfléchir, de créer, est influencée par ce changement. » Ainsi, Amir se rend compte qu’avant, peut-être porté par la pudeur, par la politesse, par cette projection de lui-même qu’il rêve idéale, il n’osait pas se dévoiler totalement, notamment dans les thèmes abordés. « Tout cela a volé en éclat sur cet album. J’avais envie d’assumer violemment qui je suis, avec mes peurs, mes pensées sombres, mes idées, mes envies de parler de cul, je voulais utiliser des mots que je n’avais pas l’habitude de dire. J’ai 40 ans et je ne souhaite pas laisser une empreinte qui cumule trop de perfection et de lissesse. »

Amir

1984 Naissance le 20 juin à Paris.
2006 Débute des études de dentiste à Jérusalem.
2014 Finaliste de l’émission The Voice sur TF1. Il termine troisième derrière Kendji Girac et Maximilien Philippe.
2016 Représente la France à l’Eurovision avec sa chanson J’ai cherché. Il finit à la sixième place. Sortie de son album, Au cœur de moi.
2017 Son troisième album, Addictions, est certifié triple disque de platine.
2022 Première de la pièce Sélectionné au Théâtre Édouard-VII à Paris.
2023 Décès de sa mère, Carmi, à l’âge de 65 ans.
2025 Joue dans la série La Belle et le Boulanger d’Hervé Mimran sur TF1.
1984 Naissance le 20 juin à Paris.
2006 Débute des études de dentiste à Jérusalem.
2014 Finaliste de l’émission The Voice sur TF1. Il termine troisième derrière Kendji Girac et Maximilien Philippe.
2016 Représente la France à l’Eurovision avec sa chanson J’ai cherché. Il finit à la sixième place. Sortie de son album, Au cœur de moi.
2017 Son troisième album, Addictions, est certifié triple disque de platine.
2022 Première de la pièce Sélectionné au Théâtre Édouard-VII à Paris.
2023 Décès de sa mère, Carmi, à l’âge de 65 ans.
2025 Joue dans la série La Belle et le Boulanger d’Hervé Mimran sur TF1.

Hommage aux victimes du 7 octobre

Ce besoin d’authenticité, cette envie de transparence, Amir l’applique également lorsqu’il doit éliminer deux-tiers des chansons pour bâtir le cinquième album de sa carrière. « Je me suis posé la question très franchement : qu’est-ce que j’avais envie de faire ? Encore un album généreux qui contient des titres de remplissage ? Ou est-ce que je décide de resserrer sur l’essentiel vital ? » Le chanteur a choisi la deuxième option. Évidemment. Elle se révélait « plus sacrificielle » et ne collait pas à sa nature profonde, plus tournée vers le partage. « Mais elle était plus digne de ce projet, elle correspondait plus à cet album hommage, à cet album de guérison pour moi… »

Un autre événement, survenu également en 2023, a chamboulé son quotidien, à titre personnel, et aussi, selon lui, la société toute entière : l’attaque terroriste du Hamas en Israël, le 7 octobre, tuant 1189 personnes, notamment lors du festival Tribe of Nova dans le sud du pays. Amir ne pouvait pas ignorer ce drame, dans un album qui retrace tout ce qu’il a ressenti pendant les trois dernières années. Encore fallait-il trouver un angle… « Parce qu’on a tous vu ces gens courir sur ce terrain vague pour tenter de survivre, je me suis dit que ce moment précis me paraissait le plus lisible, d’autant que cela se passait dans un festival de musique et que cela fait partie de mon univers », se justifie le chanteur. Supernova donne ainsi une illusion de fête, avec ce garçon qui ne se soucie que de la jolie fille de l’autre côté de la piste et qui essaie d’attraper son regard, avec ces jeunes gens qui dansent, avant qu’une alarme ne retentisse et que tout le monde se mette à courir. « J’ai cherché à créer une oppression inattendue, une expérience immersive, en traçant une ligne claire entre le bonheur et le cauchemar. » Un an, jour pour jour, après cet attentat, Amir a dévoilé le clip qui accompagne la chanson. Un modèle du genre ! Tout est suggéré au travers d’une magnifique chorégraphie de Caroline Bouquet. « Avec la réalisatrice, Eugénie, nous avons cherché à éviter toutes les images connotées pour donner une teneur universelle à cette chanson. Il n’y a pas une seule goutte de sang, pas une arme, pas un mort. On ne voit que des gens qui dansent, qui tombent au sol, qui disparaissent… Le reste, c’est de l’imaginaire ! »

« J’avais envie d’assumer violemment qui je suis, avec mes peurs, mes pensées sombres, mes idées… »

Du théâtre au petit écran

Mais Amir n’est plus le même artiste, parce qu’il a aussi ajouté une corde à son arc : il a profité de cette période compliquée pour monter sur les planches, à l’invitation du metteur en scène, Steve Suissa. Dans Sélectionné, il a en effet interprété un monologue d’une heure et demie pour raconter le destin d’Alfred Nakache : considéré comme le meilleur nageur français dans les années 40, il a été déporté pendant la Seconde Guerre mondiale et, au contraire de sa femme et de sa fille, a survécu à l’horreur dans les camps d’Auschwitz. Il a fini par représenter la France aux Jeux olympiques de Londres en 1948. « Au début, j’étais choqué, je me suis demandé pourquoi Steve Suissa avait pensé à moi pour ce projet. Je n’avais aucune expérience, j’avais tout à perdre, si je le faisais mal… Mais il m’a donné sa parole qu’on prendrait le temps pour construire le personnage et étudier la mise en scène. » « Après huit mois de répétition, Amir se lance à l’eau au Théâtre Édouard-VII. La représentation se termine sur une standing ovation de plusieurs minutes. « Et, là, on s’est dit que, si cette histoire bouleverse autant les gens, on ne pouvait pas s’arrêter là… » La pièce a été jouée huitante fois à Paris, avant de partir en tournée dans l’Hexagone et, même, en Suisse. Pour lui, cela ouvre des perspectives dont il n’osait même pas rêver.

En 2025, les téléspectateurs découvriront Amir dans une série, sur TF1, qui racontre le coup de foudre improbable entre un boulanger de banlieue et un top-modèle.

Désormais, c’est le petit écran qui lui tend les bras, puisqu’Amir vient de tourner une mini-série de quatre épisodes pour TF1. L’histoire d’un coup de foudre improbable entre un boulanger de banlieue et un top-modèle, réalisé par Hervé Mimran (Un homme pressé, Tout ce qui brille) que les téléspectateurs découvriront en 2025. « C’est ma première série, ce sera peut-être la dernière… J’ai ce privilège de savoir qu’il y aura, à l’avenir, des expériences artistiques plus variées que celle de faire seulement de la musique », analyse-t-il. « Je retrouve l’enfant que j’étais et qui avait mille rêves. Je me suis laissé le temps de les exaucer. Le postulat de base était ambitieux. Arrivé à 40 ans, je me dis que j’ai de la chance, parce que je ne m’en suis pas trop éloigné… En le disant, cela m’émeut beaucoup de me retrouver là, aujourd’hui ! »

« C Amir  », par Amir. Parlophone/Warner Music. Déjà disponible. En concert le 20 décembre 2025 à l’Arena de Genève. Billets sur www.ticketcorner.ch.