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MONTREUX – L’esprit du jazz en résidence

Sept mentors et huit jeunes talents ont passé quatre jours au bord du Léman pour échanger, discuter et… jouer.

Miles Davis avait l’habitude de dire que le jazz n’était pas de la musique, mais une attitude. Lorsqu’on les interroge, les artistes eux-mêmes aiment à parler de cet état d’esprit singulier, revendiquant une liberté de jouer et de s’exprimer qu’ils ne pourraient pas trouver ailleurs… Est-ce un don du ciel ? Ou peut-on « inculquer » cette attitude ? En octobre, au Petit Palais du Fairmont, le Montreux Jazz Festival a convié sept mentors et huit jeunes artistes à une résidence de quatre jours. L’objectif ? Leur offrir une boîte à outils bien remplie pour leur permettre de démarrer leur carrière sous les meilleurs auspices. Dans les ateliers, il était question de la place de la femme dans le jazz, des relations avec les médias, de taxation et de cinéma. Mais ces quatre jours ont surtout servi à des échanges, sans chichis, dans une atmosphère de colonie de vacances. Pendant le déjeuner. Ou le soir, autour d’un verre. Les « anciens », Billy Cobham, Ray Lema et Trilok Gurtu, ont partagé leur expérience et leurs conseils avec humilité. Avec les quatre autres mentors, Jacob Lusk, Roni Kaspi, Mette Henriette et Maria Chiara Argirò, ils ont surtout pris un plaisir fou à accompagner tous ces talents bruts – Sheila Maurice-Grey, Mira Lora, Muralim, Jasmine Myra, Maya Delilah, Nayana, Obliecht et Yoni Myraz – sur scène lors du combo playing. « Chaque matin, je crée des groupes différents et je les contrains à jouer ensemble », explique Stéphanie-Aloysia Moretti, curatrice et programmatrice de la Montreux Jazz Artists Foundation. « À eux de trouver une grammaire et un vocabulaire communs ! » Et c’est là que tout l’esprit du jazz peut réellement se révéler…

RAY LEMA, LE « PRETRE » DU JAZZ – « Ne soyez pas timides ! Sinon, vous allez me rendre timide, moi aussi… Nous ne sommes pas là pour vous juger. Un enfant ne peut pas apprendre à marcher sans tomber. Alors, allez-y, lancez-vous ! » Sur la scène du Léman, Ray Lema (77 ans) vient d’arrêter la musique et tente, par des paroles bienveillantes, de pousser Nayana et Maya Delilah, deux des résidentes suisse et britannique, à sortir de leur réserve. « J’aime me sentir utile en tant qu’humain », nous expliquera-t-il plus tard. « Je n’ai pas choisi de devenir musicien. Enfant, je voulais être prêtre ! » Un « malentendu » avec l’église catholique en a décidé autrement. Basé à Paris, le Congolais a passé toute sa vie sur scène, jouant avec « des ensembles incroyables ». « Autant que mon kilométrage serve à quelque chose », dit-il avec toute la bonhommie et la générosité qui le caractérisent.
BILLY COBHAM EN ROUE LIBRE Casquette sur la tête, Billy Cobham se laisse aller à quelques pas de danse. Il a délaissé sa batterie pour profiter du moment et de ce morceau de jazz improvisé par quatre des résidents – porté par la voix envoûtante de Mira Lora, une jeune chanteuse alémanique découverte dans un reportage de la SRF sur la… ferme de ses parents. Avec sa chemise hawaïenne arborant surf, palmiers et ukulélé, et son appareil photo autour du cou, l’Américain pourrait passer pour un curieux de passage. Il est simplement l’un des batteurs les plus influents de son temps. Habitué du Montreux Jazz Festival, il s’y produit pour la première fois en 1974, année de la sortie de son premier album: Spectrum. À quelques mois de fêter son 80e anniversaire, il aime transmettre, partager, son savoir avec la jeune génération. N’a-t-il pas fondé la Billy Cobham School of Drums en 2011 ?
JACOB LUSK : UNE VOIX EN OR Le public du Montreux Jazz Festival a découvert son talent l’été dernier au Lab. Demi-finaliste de l’émission American Idol en 2011, Jacob Lusk est le leader du groupe Gabriels, après avoir été choriste de Diana Ross, Beck et Jennifer Hudson. Autant dire que le thème de la voix n’a plus de secrets pour lui. Et sa conférence sur le sujet, traité avec humour et légèreté, anecdotes comprises, a tenu en haleine tous les résidents pendant plus d’une heure. Il l’a commencée en présentant une vidéo de Patti LaBelle interprétant la chanson de l’alphabet au milieu des personnages de Sesame Street. Ses conseils ? « Ayez confiance en qui vous êtes, quel que soit l’endroit où vous êtes ! (…) Chaque voix est différente et c’est elle qui permettra aux spectateurs de vous identifier. (…) La manière dont vous raconterez votre histoire est essentielle : c’est ce qui vous rendra unique. »
NAYANA, LA PERLE ROMANDE Selon Ray Lema, Nayana est « une bonne actrice  » sur scène. « Mais elle a tendance à surjouer. Elle doit apprendre à rééquilibrer son jeu et à plus penser au verbe : le public vient te voir, toi, et il a besoin de comprendre le message que tu veux lui transmettre. » À 19 ans, la Lausannoise a adoré son expérience à Montreux. Les discussions, parfois profondes, toujours bienveillantes, avec les mentors, les jam sessions en soirée, les ateliers auxquels elle a tenu à participer, le concert qu’elle a donné le vendredi soir… « Je suis vraiment sortie de ma zone de confort pendant ces quatre jours », résume-t-elle. Mais, si elle s’est sentie « déstabilisée » par la prestance d’un Billy Cobham ou d’un Ray Lema, Nayana a entendu leurs conseils. À tel point qu’elle va prendre du temps pour elle et réfléchir à la meilleure manière « de créer la musique et d’être moi-même ».

Gregory Batardon

1971 Naissance le 1er février à Genève.
1988 Etudes au Collège de Saussure en arts visuels.
1991 Entrée au Ballet du Grand Théâtre. Il y reste jusqu’en 2010.
2011 Premier mandat au Prix de Lausanne
2013 Devient officiellement photographe indépendant
2014 Photographe officiel de Tanz Luzerner Theater. Zurich, Berne, Saint-Gall et Lausanne suivront…
1971 Naissance le 1er février à Genève.
1988 Etudes au Collège de Saussure en arts visuels.
1991 Entrée au Ballet du Grand Théâtre. Il y reste jusqu’en 2010.
2011 Premier mandat au Prix de Lausanne
2013 Devient officiellement photographe indépendant
2014 Photographe officiel de Tanz Luzerner Theater. Zurich, Berne, Saint-Gall et Lausanne suivront…