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David Jarre

«Enfant, je vivais dans un univers féérique…»

Fils de Jean-Michel Jarre et de Charlotte Rampling, habitué des soirées horlogères en Suisse, le magicien français présentera ses tours dans l’émission mythique de Michel Drucker, «Vivement Dimanche», dès cet automne.

Il s’est avancé dans son costume sombre. Le sourire cordial. La mèche rebelle. Et propose de nous faire un petit tour de magie, là, sous nos yeux. Pourquoi pas? Friand de close-up, cet homme, à l’élégance britannique, aime par-dessus tout faire entrer une pièce de monnaie dans une bouteille ou transformer une serviette blanche en une splendide rose qu’il s’empressera ensuite d’offrir à la dame la plus proche de lui.

Ce jour-là, sur la terrasse du Mandarin Oriental, le soleil est généreux et le besoin de liberté, vital. La planète vit encore à l’heure de la pandémie, mais Audemars Piguet avait néanmoins maintenu sa soirée privée, dans ce penthouse tout juste rénové. Le magicien français semble heureux de partager ces moments de convivialité. Nous échangeons quelques mots, puis, au moment de tourner les talons, il se tourne vers moi et me lance tout de go: «Je ne vais quand même pas partir comme ça, sans vous rendre votre bien… C’est bien à vous, non?» Au fil de la conversation, il avait en effet réussi à subtiliser ma montre, pourtant bien attachée à mon poignet, sans que je m’en aperçoive. Je n’en revenais pas!

Après avoir refusé plusieurs propositions, David Jarre se lance cet automne dans l’aventure télévisuelle aux côtés de Michel Drucker dans Vivement Dimanche.

Spectacles par Zoom

Voilà mon premier contact avec David Jarre! Depuis, j’ai souvent croisé le chemin de ce grand escogriffe, avec ses cheveux en bataille, au gré des événements horlogers. Lors du salon Watches & Wonders, Van Cleef & Arpels l’avait engagé pour animer ses dîners au Kiosque des Bastions. Il était aussi présent à Cannes, pour célébrer les 25 ans de partenariat de Chopard avec le festival. C’est là, sur le trottoir de la rue Latour-Maubourg, qu’il me parle de ses projets pour la rentrée: une émission de télévision, puis, plus tard, un one man show… La crise sanitaire a provoqué son effet. Lui qui avait l’habitude de prendre l’avion ou le train trois à quatre fois par semaine s’est retrouvé enfermé – comme tout le monde – à gamberger sur ses aspirations et à devoir se réinventer pour continuer d’exister. «Comme le public me manquait, et comme je commençais à m’ennuyer, j’ai imaginé des spectacles sur Zoom», explique-t-il. «Face à la caméra, j’ai dû apprendre de nouveaux tours et, surtout, une autre manière de les présenter, car j’étais déconnecté du public. J’ai alors trouvé ce médium très intéressant et original.» La télévision n’est dès lors plus passive, mais devient interactive. Et cela lui donna des idées pour la suite…

Alors qu’il refusait les propositions des chaînes depuis dix ans, à la suite de quelques expériences peu concluantes sur France 2, puis sur M6, David Jarre prend son téléphone et appelle Michel Drucker. «Bienveillant et sympathique, il avait toujours laissé la porte ouverte à une collaboration. Il a lancé tellement d’artistes, notamment certains magiciens, au cours de sa carrière. Cela s’est vraiment fait naturellement.» Était-ce le bon moment? Les planètes se sont-elles simplement alignées? «Je crois que c’est le côté magique de la vie, sans mauvais jeu de mots», sourit-il. «Je me demande même pourquoi je n’avais pas ressenti cette envie avant. Faut-il mettre ça sur le compte de la maturation, des années qui passent? Il y a parfois des instants qui se présentent, qui se libèrent, sans qu’on s’y attende vraiment.» Le magicien français fera donc son entrée officielle sur le PAF cet automne. Dans l’émission culte de Michel Drucker, Vivement Dimanche, créée en 1998 et diffusée désormais sur France 3. Avec une capsule qui combinera magie, voyage, musique et invités prestigieux.

Une famille d’artistes

Mais d’où vient cette passion pour la magie? Pourquoi a-t-il voulu suivre les traces de David Copperfield ou de Michael Konieczny, alias Vadini, cet artiste polonais devenu très vite son mentor? «Par mes parents, j’ai baigné, avec mon frère et ma sœur, dans un milieu artistique depuis ma tendre enfance», raconte-t-il. «Je rejoignais mon père dans son studio après l’école, les histoires que ma mère me racontait me faisaient rêver, nous allions souvent assister à des spectacles. Je vivais dans un univers féerique et magique. Cela a peut-être ouvert des portes de façon prématurée dans mon imagination. Lorsque j’ai découvert la magie, j’ai donc été touché plus fortement que si j’avais joué au football dans la rue avec mon voisin…»

«Quand tu es enfant, tu ne te rends pas compte de qui sont tes parents. Tu as une mère et un père, c’est tout!»

Vous l’avez compris, David Jarre n’est pas né dans une famille «comme les autres». Son père, Jean-Michel Jarre, est toujours considéré comme l’un des papes de la musique électronique, réputé pour ses concerts gigantesques. Sa mère, Charlotte Rampling, est une comédienne solaire qui a tourné avec les plus grands réalisateurs, de Woody Allen à Luchino Visconti, en passant par Claude Lelouch, Sydney Lumet ou, plus récemment, Denis Villeneuve (Dune). Et on ne parle même pas de son grand-père, Maurice Jarre, célèbre compositeur de musiques de films, ou de sa grand-mère, France Pejot, résistante pendant la Seconde Guerre mondiale. «Mes parents ont placé la barre tellement haute, dans tout ce qu’ils ont fait, que je ressens une espèce de responsabilité en tant qu’enfant: si je présente quelque chose, il faut que cela soit bien. Peut-être est-ce la raison pour laquelle j’ai mis du temps avant de m’exposer médiatiquement ou de monter sur scène.»

La question brûle les lèvres: comment grandit-on dans une telle famille? David Jarre n’élude pas le sujet. Il a l’habitude qu’on lui parle de ses parents. «Quasiment cinq fois par jour!», précise-t-il, avant d’analyser: «Quand tu es enfant, tu ne te rends pas compte de qui sont tes parents. Tu as une mère et un père, c’est tout! En fait, tu en prends conscience vers l’âge de sept-huit ans dans le regard des autres. Les comportements changent, les parents de mes amis agissaient différemment avec moi.» Encore aujourd’hui, les gens l’approchent et évoquent des souvenirs personnels en rapport avec ses parents. «Quelqu’un m’a même raconté que ma mère était son fantasme et qu’il avait des posters d’elle dans sa chambre. J’ai trouvé ça étrange! Il était en train de parler de ça à son fils…» Il en rit. Mais ça ne doit pas être drôle de le vivre au quotidien.

Cependant, David Jarre dit qu’il n’a pas souffert de cette singularité. Il s’en est même nourri. «C’est fantastique, car mes parents m’ont montré, par l’exemple, et par leur carrière, que tout était possible. Il n’y a rien de pire que de brider les croyances ou les rêves d’un enfant. Mais ils m’ont également appris les vertus de l’effort. Mon père et ma mère sont des acharnés du travail, ils ne s’arrêtent jamais.» Le Français ne s’en cache pas: il ressent une certaine pression, surtout dans le regard des gens. Mais, en optant finalement pour une discipline différente, la magie, il évite peut-être les comparaisons malvenues. «Je ne me pose pas trop de questions. Mon but est de faire plaisir aux gens, tout en me faisant plaisir!»

Trouver son public

La magie fait rêver petits et grands. Elle se teinte parfois d’humour avec Eric Antoine, ou d’effets spéciaux avec Dani Lary. Inspire des blockbusters à Hollywood, tels que Le Prestige ou Insaisissables. Comment s’y prendre pour sortir du lot? Faire des tours dans sa chambre, devant ses copains ou sa famille, c’est une chose. Se retrouver seul face à des inconnus, c’en est une autre! «Il n’y a pas de chemin tout tracé – comme dans tous les métiers artistiques», explique David Jarre. «La magie est d’autant plus atypique que personne n’a vraiment tracé la voie. Le plus important, c’est de trouver son public. Moi, dès mon plus jeune âge, je suis allé dans les restaurants et les bars pour faire des tours au pourboire. Tu dois te mettre en situation publique, quelle qu’elle soit. Cela te permet d’apprendre et, surtout, de savoir si tu as cette résilience, cette empathie, nécessaires à ce job.»

Mi-gentleman, mi-voyou, le magicien Jarre est assez proche de l’homme David. «Je force juste le trait, je suis plus drôle ou plus méchant que je ne peux l’être au quotidien.»

Pour lui, il ne fait aucun doute que la magie est un métier de communication. Il faut avoir envie de faire rire, de faire passer un bon moment aux gens et… adapter son répertoire au gré de leurs attentes. «Je travaille toujours sur de nouveaux tours. Mais, finalement, comme en musique, le public s’attend à voir un best of, parce qu’ils se souviennent de l’émotion que ces tours ont suscité. Quand vous allez voir Police en concert, vous avez envie d’écouter Roxane. Là, c’est pareil…» David Jarre, lui, s’est forgé un personnage «mi-gentleman, mi-voyou», comme il le décrit sur son site. «C’est mon père qui a trouvé la formule», souligne-t-il. «Comme le disait Houdini, un magicien est un acteur qui joue le rôle d’un magicien. Dans mon cas, mon personnage est assez proche de qui je suis dans la vie. Il est simplement exacerbé: je force le trait, je suis plus drôle ou plus méchant que je ne peux l’être au quotidien.» Il aime surtout jouer avec les limites de la réalité. Partir d’un contexte normal, avec un objet du quotidien – un briquet ou une pièce de monnaie, par exemple – et en faire quelque chose d’unique. Et, en règle général, c’est à ce moment-là que les réticents, ceux qui rechignent à participer, tombent le masque et redeviennent de grands enfants…

www.davidjarre.com

David Jarre

1989 Rencontre avec son mentor, le magicien polonais Vadini.
1997 Commence le close up dans les bars et restaurants de la Côte d’Azur et de Megève.
2000 Premier passage à la télévision dans l’émission de Patrick Sébastien: Le Plus Grand Cabaret du Monde.
2018 Lors de la soirée de l’Elton John AIDS Foundation à Los Angeles, il prédit le nom des lauréats aux Oscars.
2022 Débute sa collaboration dans l’émission de Michel Drucker: Vivement Dimanche.
1989 Rencontre avec son mentor, le magicien polonais Vadini.
1997 Commence le close up dans les bars et restaurants de la Côte d’Azur et de Megève.
2000 Premier passage à la télévision dans l’émission de Patrick Sébastien: Le Plus Grand Cabaret du Monde.
2018 Lors de la soirée de l’Elton John AIDS Foundation à Los Angeles, il prédit le nom des lauréats aux Oscars.
2022 Débute sa collaboration dans l’émission de Michel Drucker: Vivement Dimanche.