MusiqueInterview

Slimane

Quelques mois après être devenu papa, il retrouve Vitaa pour le dernier round du «Versus Tour». L’occasion de parler de son influence grandissante dans le paysage musical français. Exclusif.

Six ans. il n’aura fallu que six ans à slimane pour être incontournable dans le paysage musical français. Depuis sa victoire dans la saison 5 de The Voice, son ascension a été fulgurante. Ses deux premiers albums ont cartonné. Sa collaboration avec Vitaa s’est transformée en marche triomphale. En même temps, il est devenu un auteur-compositeur reconnu, en prêtant ses mots à d’autres artistes confirmés, tels que Matt Pokora, Jenifer, Florent Pagny, Patrick Fiori, Kendji Girac ou Amel Bent. La personnalité, humble et touchante, de cet artiste, de l’homme aussi, s’est pourtant construite au cours des années de galère, à chanter dans les bars de Pigalle, à collectionner les désillusions dans d’autres télé-crochets. Mais, lorsqu’il débarqua face aux caméras de TF1, à l’âge de 26 ans, il était prêt, comme il le dit lui-même. Prêt à tout. Désormais papa d’une petite fille, Esmeralda, née prématurément en janvier, Slimane vient de retrouver Vitaa, après quelques mois de pause, pour un dernier round. Une ultime tournée qui les conduira notamment cet été à Divonne et au Venoge Festival, puis cet automne à l’Arena de Genève. Mais, désormais, il est temps de penser à lui. Quatre ans après Solune, un troisième album solo est en gestation. «Pour être franc, comme la musique me sert d’exutoire, cela m’avait manqué de ne pas me raconter des choses à moi-même, de ne pas me remettre en question. C’était donc un vrai plaisir de revenir en studio. Il y a un peu de stress. Quand on sort d’un album comme VersuS, c’est compliqué, on se pose plein de questions. Est-ce que les gens vont continuer à t’aimer maintenant que tu es à nouveau seul? Les chansons seront-elles à la hauteur?» Mais Slimane est de ces artistes, authentiques, bienveillants, qui touchent au cœur. Son discours, empreint de modestie, n’en est pas moins clairvoyant.

OFF: Vous venez de retrouver Vitaa pour une dernière série de concerts. Comment est née cette collaboration?
Slimane:
Assez naturellement. Nous nous sommes retrouvés côte à côte dans les fauteuils de coach dans l’émission The Voice Belgique. J’avais repris sa chanson, À fleur de toi, aux auditions à l’aveugle en France, nous avions déjà une petite connexion et, à force de faire les trajets entre Paris et Bruxelles, de vivre quasiment trois ans ensemble, nous sommes devenus amis. Or, après avoir chanté le titre Je te le donne ensemble, qui s’est révélé comme une évidence pour nous, tant en studio que pendant la promo ou le tournage du clip, une personne de l’équipe est venue nous voir avec cette idée: pourquoi ne pas faire un album tous les deux? Et autant Vitaa que moi, nous avons refusé. (rires)

OFF: Vraiment?  Le projet ne vous intéressait pas?
Slimane:
Exact! Nous n’étions pas emballés par l’idée. Nous nous sommes même envoyé des messages pour dire que ce n’était pas le bon moment. Mais, à force d’insister, nous avons fini par accepter d’aller en studio, juste pour voir si la magie que nous avions ressentie sur Je te le donne continuerait et, surtout, si nous parvenions à composer et à écrire ensemble. Dès la première chanson, nous sommes sortis du studio et nous avons appelé tout le monde. C’était bon!

OFF: Pourquoi aviez-vous choisi la chanson de Vitaa pour «The Voice»?
Slimane: C’était une chanson que je chantais tout le temps dans les bars. J’avais remarqué que, chaque fois que je l’interprétais, il se passait ce petit truc en plus que je ne retrouvais pas sur d’autres titres. En plus, le texte me touchait particulièrement. J’aimais beaucoup ce que j’avais réussi à en faire. Et j’avais le sentiment que, si j’avais à défendre ma place ou à me présenter aux Français, c’était avec cette chanson que je devais le faire.

Le 14 février 2020, à la Seine Musicale, Vitaa et Slimane ont reçu une Victoire de la musique pour la meilleure chanson originale avec Ça va ça vient. Photo : Stéphane Cardinale / Corbis via Getty Images

«Quand j’étais petit, je n’ai jamais été fan d’un artiste. Pour moi, les vrais stars, ce sont les chansons!»

Avec leur album VersuS, Vitaa et Slimane vivent une folle aventure depuis trois ans. Et dire qu’au départ, ils ne croyaient pas au projet… Photo : Manuel Lagos / Paris Match / Contour via Getty Images

OFF: À ce moment-là, regardiez-vous Vitaa comme une idole?
Slimane:
Pas du tout. Même quand j’étais petit, je n’ai jamais été fan d’un artiste. J’aime beaucoup la musique. Mais, comme je le répète souvent, les stars ne sont pas les interprètes, mais les chansons elles-mêmes. Je suis donc plus fan des chansons que des chanteurs. À fleur de toi est un titre qui a bercé mon adolescence et, ensuite, ma vie d’homme, puisqu’elle m’accompagne désormais dans ma carrière. J’ai toujours un immense plaisir à la chanter sur scène.

OFF: Cette aventure avec Vitaa a été folle, puisque l’album «VersuS» a été certifié disque de diamant. Avez-vous été étonné du succès de ce duo?
Slimane:
On ne peut jamais s’attendre à un tel succès. Cela n’arrive qu’une fois dans la vie d’un artiste, et encore, s’il a de la chance. Cela a été un bouleversement, une tornade. (sourire) Mais c’est ce qui fait que cette histoire est incroyable et que notre relation est encore plus forte. Vivre un tel succès à deux, c’est multiplier les joies, le travail, les peines parfois. Cela rend l’expérience inoubliable.

OFF: Depuis que vous avez annoncé la fin de votre collaboration, en novembre 2021, lors des NRJ Music Awards, il s’est passé beaucoup de choses dans vos vies respectives: vous êtes devenu papa, Vitaa a accouché de son troisième enfant… Comment avez-vous géré cette coupure?
Slimane:
En fait, entre nous, il n’y a jamais eu de coupure. Nous avons continué à nous voir, même si nous ne travaillions plus ensemble. Elle est venue voir ma fille, je suis allé voir la sienne, nous étions récemment en vacances au même endroit (ndlr. à Marrakech). Vitaa était même présente au baptème de ma fille. Elle est devenue une amie, un membre de ma famille, même. Nous n’aurons aucune appréhension de savoir si ce sera comme avant. Nous avons juste envie de retrouver le public et de célébrer dignement la fin de cette belle histoire.

OFF: Aujourd’hui, vous écrivez pour plusieurs artistes. Comment choisissez-vous ces projets?
Slimane:
Je ne sais pas si je choisis ou si on me choisit… (sourire) C’est la vie qui s’arrange pour provoquer des rencontres. Des coups de cœur. Et parfois, il y a des gens que j’admirais beaucoup, quand j’étais plus jeune: c’est alors un honneur de pouvoir collaborer avec eux. Parfois, on m’appelle, parfois, je propose… Il n’y a pas vraiment de règles. Le plus important, c’est que la personne, l’artiste, la voix, m’inspire. Je ne pense pas que je pourrais écrire une chanson pour quelqu’un que je n’aime pas.

OFF: Dès le moment où le contact se crée, comment vous y prenez-vous pour écrire
cette chanson?
Slimane:
Encore une fois, cela dépend des gens! Il y a ceux que je connaissais déjà, avant même de travailler avec eux. Je n’ai pas besoin d’avoir de discussions avec eux, j’y vais à l’instinct, au feeling. Il y a aussi des gens que j’aime artistiquement, mais que je connais moins personnellement. Alors, là, j’aime bien avoir une petite conversation avec eux. Récemment, j’ai collaboré avec Christophe Willem: je le connaissais sans le connaître, nous avions participé aux Enfoirés ensemble. Quand il est arrivé en studio, il a été étonné, parce qu’avant de faire de la musique, je lui ai demandé de m’expliquer ce qu’il souhaitait dire. C’est ce qui a donné naissance à la chanson PS: Je t’aime.  Mais, si je pense à Tombé de Matt Pokora, nous n’en avions pas du tout parlé ensemble. J’étais en studio avec Renaud Rebillaud, nous avons créé cette chanson et nous avons tout de suite pensé à Matt pour l’interpréter. Et il l’a prise pour son album! Chaque chanson a son histoire. Il n’y a pas de règle. Et c’est ça qui fait que c’est intéressant…

OFF: Vous portez une attention particulière aux textes. Est-ce important de faire passer
un message dans chaque chanson?
Slimane:
À la base, un chanteur est là pour raconter des histoires. Nous avons la chance d’avoir une langue exceptionnelle. Après, dans mes textes, je n’ai pas une écriture super compliquée et métaphorique. J’aime les chansons qui touchent assez facilement et directement. À mes yeux, il est essentiel qu’il y ait un effet instantané quand on écoute la chanson et que l’on raconte quelque chose. Sinon, je ne vois pas l’intérêt de se mettre derrière le micro si c’est pour ne rien dire.

OFF: Comment pourrait-on définir le style Slimane?
Slimane:
C’est difficile, parce qu’il évolue. Je fais partie de cette génération d’auteur-compositeur-interprète à avoir baigné entre la vieille et belle chanson française et la musique plus urbaine, avec tout ce que l’on est. Nous vivons dans un pays cosmopolite, cela s’entend de plus en plus dans les chansons que l’on compose. J’appellerais ça la «nouvelle variété française», mais je ne sais pas si c’est le bon terme.

OFF: Depuis six ans, vous avez écrit beaucoup de tubes pour d’autres artistes et vous avez pris une place importante dans le paysage musical français. Quel regard portez-vous sur cette situation?
Slimane:
 Il y a quand même des chansons qui n’ont pas marché… (rire) Quand je regarde en arrière, et je le dis en toute humilité, j’ai le sentiment d’être devenu l’artiste que je rêvais d’être quand j’étais plus jeune. C’est une fierté pour moi. Sortir de The Voice, imposer le fait que j’écrive tout de suite mes chansons, commencer à écrire pour les autres… Au départ, ce n’était pas évident pour tout le monde. Sincèrement, c’est tout ce que je voulais. Cela énerve un peu les gens qui travaillent avec moi, mais je leur dis souvent que je ne serai jamais aigri, parce que j’ai réalisé énormément de rêves de gosse autour de la musique. Je suis donc totalement apaisé pour l’avenir, parce que j’ai coché pas mal de cases dans ma vie d’artiste.

«Je ne pense pas que je pourrais écrire une chanson pour quelqu’un que je n’aime pas…»

Photo : David Bellemere / Universal Music

OFF: Écrire pour les autres, c’était donc une évidence depuis le début?
Slimane:
C’était une vraie volonté. L’un n’allait pas sans l’autre. Depuis que je suis petit, je chante parce que j’écris des chansons, et pas l’inverse. Il était donc évident que j’allais un jour écrire aussi pour d’autres artistes. Je n’imagine pas la musique seul. J’avais d’ailleurs commencé la musique dans une chorale. Et, franchement, c’est magnifique de travailler pour les autres, parce qu’il y a des choses qu’on ne pourrait pas dire soi-même. On peut aussi devenir d’autres personnages: pouvoir se glisser, le temps d’une chanson, dans la peau d’une femme, c’est incroyable!

OFF: J’ai l’impression qu’il y a, aujourd’hui, une atmosphère très famille dans la musique française. Entre Gims, Vianney, Kendji Girac ou vous, vous avez des influences différentes, mais tout le monde se plaît à collaborer… Le ressentez-vous aussi?
Slimane:
Il y a beaucoup de rencontres, beaucoup d’échanges… Notre manière de faire de la musique a changé. On est plusieurs à se retrouver en studio, on est ouvert sur les autres. C’est la génération internet! Avec toute cette influence venue des États-Unis où le featuring est totalement désinhibé, la France n’a pas eu d’autres choix que de s’y mettre depuis quelques années et ça fait du bien. Je trouve ça cool que les artistes puissent se mélanger, même s’ils ne viennent pas du même univers. La musique est faite pour ça.

OFF: Vous avez travaillé avec des artistes différents comment Matt Pokora, Jenifer ou Christophe Willem. Quel est le point commun entre eux – à part vous évidemment?
Slimane:
Ce sont des gens qui touchent. Quand on est là depuis autant de temps, avec des hauts et des bas – ce qui est normal dans une carrière, il n’y a qu’une seule raison: on a réussi à toucher les gens.Soit avec sa voix, soit avec sa personnalité. Parfois, une seule chanson a suffi… Mais, une fois qu’on est entré dans la maison des gens, on n’y ressort plus vraiment. C’est ce qui lie tous ces artistes-là.

OFF: Vous avez un vrai attachement à la langue française. D’où cela vient-il?
Slimane:
Plus que la langue française, je suis amoureux du dialogue. du fait de pouvoir s’exprimer, échanger et raconter. Et la langue française permet ça avec un peu plus de sentiments.

OFF: Vous avez écouté et chanté, dans votre jeunesse, des titres d’Aznavour ou de Brel. Quelle place ont ces artistes dans votre carrière?
Slimane:
Ces artistes ont été très importants, même dans ma vie d’homme. Ils nous ont tous bercés, on a tous entendu une fois une chanson de Charles Aznavour. Pour moi, ils sont associés à des souvenirs d’enfance, des souvenirs de famille… J’aime ces artistes-là pour cette raison, parce qu’il y a toujours une chanson qui rappelle quelque chose de beau.

OFF: Bien avant votre victoire à «The Voice», vous aviez participé à plusieurs télécrochets, comme «Nouvelle Star» ou «X-Factor». Sans succès. Avez-vous été rattrapé par l’envie de dire stop?
Slimane:
Totalement. Pendant plusieurs années, on m’avait demandé de participer à The Voice. Comme j’avais déjà toutes ces expériences-là derrière moi, j’ai refusé pendant quatre ans. Je m’étais persuadé que la télévision n’était pas faite pour moi, que j’étais bien dans mon bar, que j’avais un autre chemin à prendre… The Voice, je l’ai vraiment pris comme la dernière chance. J’allais sur mes 26 ans, il était temps de s’installer dans la vie. Cette émission était clairement un dernier rendez-vous qui s’est finalement transformé en premier. (sourire) Mais je suis fier de mon histoire, parce qu’elle donne de l’espoir. Ma vie m’a appris ça: il y a des moments dans une existence. Parfois, tu veux une chose, tu pousses pour l’obtenir, mais ce n’est pas le bon moment… Il faut être patient, persévérant, et travailler.

OFF: Qu’est-ce qui a fait la différence, par rapport à d’autres artistes qui ont gagné ce concours et qui ont disparu des radars…?
Slimane:
: J’essaie de l’analyser pour moi, mais je pense qu’il faut être prêt… Je suis arrivé sur le plateau, j’avais déjà mes chansons. J’avais dix ans derrière moi de bars, de mariages et de bar-mitsva. Quand j’arrive à The Voice, je sais qui je suis comme artiste. Cela aide beaucoup. J’ai su dire non à la production et imposer mes choix pour des chansons, j’ai su rester moi-même. Et, juste derrière, j’avais quelque chose à proposer. Mais, à la fin, le juge de paix, ce sont les chansons! Les gens peuvent t’apprécier dans un télé-crochet, parce que tu fais des reprises et parce qu’ils en sont fans. Mais, si tu n’as pas la chanson qui consolide ce lien-là avec le public, cela devient compliqué.

OFF: Qu’est-ce que cette émission a changé dans le paysage musical français?
Slimane:
Aujourd’hui, la majorité des succès de ces dernières années sont des gens de The Voice. Quand tu penses à Louane, Kendji, Amir, Claudio Capeo, cela commence à faire du monde. Il est très compliqué de se développer quand on est un jeune artiste. Avoir cette filière-là, avec cette exposition-là, sur TF1, c’est génial. Tout est pensé pour que, lorsque tu te mets à chanter, les gens t’écoutent…

Slimane

1989 Naissance le 13 octobre à Chelles, en Seine-et-Marne.
2009 Participe à l’émission Nouvelle Star sur M6.
2016 Remporte la cinquième saison de The Voice. La même année, il sort son premier album: À bout de rêves.
2018 Deuxième album, Solune. Il devient coach dans l’émission The Voice Belgique.
2019 Sortie de l’album avec Vitaa: VersuS.
2022 Naissance de sa fille, Esmeralda.
1989 Naissance le 13 octobre à Chelles, en Seine-et-Marne.
2009 Participe à l’émission Nouvelle Star sur M6.
2016 Remporte la cinquième saison de The Voice. La même année, il sort son premier album: À bout de rêves.
2018 Deuxième album, Solune. Il devient coach dans l’émission The Voice Belgique.
2019 Sortie de l’album avec Vitaa: VersuS.
2022 Naissance de sa fille, Esmeralda.