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Maryne

«La musique, c’est ma thérapie»
Son premier EP,  «Liquid Gold»,  avec l’envoûtant «Drink Alone», confirme le talent de Maryne. Depuis quatre ans, la petite sœur de Bastian Baker s’est fait un prénom dans la musique. Portrait à 100 à l’heure d’une artiste qui ne tient pas en place.

Impulsive, desorganisée, drôle: quand on lui demande de se décrire, Maryne, le fait humblement en trois adjectifs, dans un éclat de rire. Des rires, elle en ponctue presque toutes ses phrases et sa bonne humeur est contagieuse, tout comme son énergie. Elle parle vite, comme elle vit, elle qui semble avoir le don de caler en une seule journée des activités pour 36 heures. Sa voix mutine, enjouée, raconte sans filtre, tutoie de préférence, remercie de prendre du temps pour elle. Dans un souffle, elle retrace l’enfance à Villeneuve, les compétitions nationales de wakeboard, le bac au gymnase sportif, l’année sabbatique en Australie, puis à Rodrigues, pour sauver les tortues géantes, l’année chez sa grand-mère à Lausanne pour se rapprocher de ses cours de Sciences Po à l’université, l’arrêt des études pour se consacrer pleinement à sa passion, son premier appartement, ses débuts à la radio. Depuis six mois, elle est animatrice chez Option Musique, un métier qu’elle adore. La musique toujours, à chaque étape de son récit. «Je chante depuis que je sais parler. J’ai commencé la guitare et le piano très tôt pour pouvoir écrire et extérioriser mes sentiments. La musique, c’est ma thérapie.»

Le virage pop

En 2018, son excellente reprise de Sugar Man, sous le pseudonyme de Submaryne, révèle au public ses influences folk, sa voix riche, chaleureuse, ses notes subtiles. Virage tout aussi réussi dans la pop en 2020 et changement de nom pour marquer la métamorphose: exit le «Sub», elle fait remonter Maryne à la surface. «J’avais bossé avec un producteur qui m’a orientée vers la pop. J’ai alors découvert que c’était là que je me sentais le mieux.» Contrat avec une major: Universal. Pause. «Dire qui l’on est, c’est un exercice difficile en fait!», s’excuse-t-elle presque.

Parler d’elle, Marine Kaltenbacher, 25 ans, le fait plus volontiers en musique. Son EP, Liquid Gold, sorti en octobre, est construit comme une histoire d’amour, de la rencontre à la rupture. Un projet, explique-t-elle, dans lequel se reflètent toutes les facettes de sa personnalité. Quatre chansons pop entraînantes, colorées de ces «méga positive vibes» que la Vaudoise aux grands yeux verts goûte au quotidien: Coachella, You Should Know, Overdose et Waterproof.  Deux morceaux bouleversants, en piano-voix et guitare-voix, dont les intitulés ne cherchent pas à dissimuler qu’elle aussi connaît des moments sombres: Drink Alone, sa préférée sur l’EP, et If I Die Tonight. «Tout va bien dans ma vie. Je suis une personne positive les  90% du temps. Le 10% restant, j’écris des chansons», lance-t-elle. Avant de rectifier: «Je compose tout le temps en réalité. Je ne tiens pas en place et plus je vis de choses, plus j’écris. Mais quand je suis triste, mes textes sont plus matures.»  Elle a composé Drink Alone en référence à une connaissance en proie à des problèmes d’alcool. L’inspiration pour If I Die Tonight, co-écrite avec le guitariste Joris Amman, lui est venue, à 18 ans, sur l’île de Rodrigues. Une nuit, après une forte réaction à une piqûre d’araignée, Maryne doit être emmenée aux urgences: «J’avais de la peine à respirer. Et j’ai vraiment eu peur quand j’ai vu l’état de l’hôpital. Je me suis demandé ce qui se passerait si je mourais là, de l’autre côté du globe. J’avais l’impression, qu’après un an d’absence, pour certains, ce serait juste comme si mon voyage durait plus longtemps. À qui va-t-on vraiment manquer, le jour où l’on part?» Deux chansons fortes qui lui ont valu de recevoir, sur les réseaux sociaux, de nombreuses confidences, des remerciements aussi pour avoir su transcrire si justement ces états de l’âme. Maryne prend le temps d’entendre, de répondre, touchée au cœur.

Famille de cœur, famille de sang

Pas question pour autant de ne puiser que dans le noir pour composer, la chanteuse aime «trop la vie, la fête, l’aventure, les voyages». Son bonheur, elle le doit à sa famille de cœur, ses amies et amis, la joie retrouvée des bons repas au restaurant avec eux, des sorties, des spectacles d’humour, principalement ceux de Jessie Kobel, «un pote vraiment doué». Ses hobbies, le wakeboard encore parfois, le ski toujours beaucoup. Son bonheur, c’est aussi et surtout sa famille de sang, très soudée. Des parents, qu’elle qualifie d’exceptionnels: sa maman vaudoise, Magali, prof d’allemand, et son papa suisse-allemand, Bruno Kaltenbacher, ancien joueur professionnel de hockey, qui gère depuis 1994 le Sport’s Café Le Zodiac à Lausanne. Une grand-mère, Nani, qui vit au-dessus de ce restaurant où Maryne a fait, adolescente, ses premières scènes, où elle donne encore parfois un coup de main et où elle a, comme sa sœur et son frère, un burger à son nom à la carte. Cette sœur, de deux ans son aînée, Margaux, sa «meilleure pote», tout son contraire, «très organisée, les pieds sur terre», ancienne championne de tennis aux États-Unis, aujourd’hui Project Coordinator au CIO à Lausanne, qu’elle appelle «au minimum deux fois par jour », même si elle se voient sans cesse. Et ce frère, son meilleur complice, le chanteur Bastian Baker, alias Bastien Kaltenbacher, 30 ans et déjà 10 ans de succès.

L’univers de la musique dans lequel Maryne évolue, elle l’avait exploré, en tant que spectatrice, avec Bastian Baker. Elle en connaît les joies, mais aussi les pièges. Elle a ensuite assuré ses premières parties de concert. En août 2020, elle a encore chanté avec lui et Shania Twain pour Good Morning America, en duplex depuis le chalet du défunt Claude Nobs, à Caux. L’émission américaine était aussi diffusée en direct sur écran géant à Times Square. «Suivre la carrière de Bastien m’a donné l’amour de ce métier. Mais je l’aurais choisi, même s’il ne l’avait pas fait avant moi.» Aujourd’hui, Maryne est actrice de sa musique. Bien sûr, on la comparera, on évoquera sans arrêt le lien avec son frère. Bien sûr, les mauvaises langues croiront y déceler des privilèges. «Mais au final, c’est sur ce que je propose que je serai jugée. C’est le public qui décidera.» Et il a déjà tranché: son EP fait un carton. En particulier Drink Alone, streamé 100 000 fois le mois de sa sortie et diffusé non-stop sur les ondes. Un succès qui a permis d’ajouter des dates de concerts supplémentaires, en Suisse romande et outre-Sarine, à son agenda déjà bien rempli.

De quoi ravir la dynamique jeune femme, fan de Noah Cyrus, Dua Lipa, Billie Eilish et Robert Francis, qui mène sa promo tambour battant entre deux engagements. «La scène, c’est mon oxygène. Le public, c’est comme un shot d’adrénaline dont l’effet dure au moins deux semaines.» Ce n’est jamais le trac, mais bien l’impatience qui la ronge avant de saisir le micro. Son vœu pour 2022? Un album. La carrière de ses rêves? «Celle que j’ai maintenant, peut-être un cran au-dessus pour en vivre vraiment. Je veux juste pouvoir aller en studio et donner des concerts. Ma plus grande fierté, ce sont ceux que j’ai fait en tenant l’affiche seule et qui étaient complets. C’est un sentiment indescriptible quand les gens viennent pour toi et connaissent toutes tes paroles. Je trouve que j’ai beaucoup de chance. J’ai toujours été chanceuse, sauf une fois!» Cette fois-là, c’était le 13 mars 2020, un vendredi, date de sortie d’Overdose, son premier single chez Universal. Le même jour, le Conseil fédéral interdit les grandes manifestations et, le 16, décrète le confinement. «C’était le pire moment possible pour sortir une chanson! Depuis, on me taquine avec ça. Une amie m’a récemment dit: j’ai un rendez-vous important tel jour, j’espère que tu n’as pas prévu de sortir un single? Comme si une catastrophe se produisait à chaque fois que je chantais!» Maryne s’en amuse aujourd’hui.

Écrire pour les autres

Sa plume, ses sons, l’artiste prolifique en fait aussi profiter les autres. En 2019, sa composition Sister avait été choisie par l’Allemagne pour l’Eurovision. Elle écrit également pour d’autres avec son frère. Leur complicité fait des étincelles. Aussi en studio. Bastian Baker a d’ailleurs produit cinq titres de Liquid Gold et enregistré toutes les deuxièmes voix de l’EP. «Bastien voulait depuis longtemps produire un jeune artiste. Un jour, il m’a dit qu’il n’avait pas trouvé mieux que moi. Alors bon… il a produit mon disque», synthétise-t-elle sur le ton de la plaisanterie. «On a un immense respect pour le travail de l’autre. J’écoute beaucoup sa musique, il écoute beaucoup la mienne. Ça fonctionne vraiment bien entre nous. Peut-être aussi parce qu’on ne craint pas de se dire les choses en face. Vu qu’on s’est déjà tout dit!»

Deux chanteurs, et pourtant chez les Kaltenbacher, c’était surtout le sport qui était à l’honneur. «Nous avons encouragé nos enfants à apprendre à jouer d’un instrument, explique Bruno, le papa. On pensait que c’était un bon équilibre avec le sport.» Pour lui, la passion de sa fille était très tôt une évidence: «Elle voulait être actrice à la base. C’était une petite fille très théâtrale et tout le temps en train de chanter.» Une enfant facile à vivre, rigolote et attachante, selon lui. «J’ai surtout fait plein de bêtises», corrige Maryne. «Je suis la petite dernière, celle à qui on laisse toujours tout faire. J’étais le clown de la famille. Mais aujourd’hui, je crois que mon frère est plus fort que moi sur ce point. C’est la personne qui me fait le plus rire au monde!» À quand un duo? «Il m’a dit que cela se ferait le jour où je serai devenue plus célèbre que lui. Il faudra donc être patient.» 

Depuis six mois, Maryne est animatrice chez Option Musique. Mais elle espère pouvoir vivre un jour de sa passion: la musique. Photo: Anthony Meynet / Universal

«Le public, c’est comme un shot d’adrénaline dont l’effet dure au moins deux semaines.»

Maryne peut toujours compter sur le soutien de son frère, Bastien Baker: il a produit cinq titres de son EP. «On a un immense respect pour le travail de l’autre», dit-elle. Photo: Anthony Meynet / Universal