« Sous la Seine » Un requin sème la terreur à Paris
Thriller écologique de Xavier Gens avec Bérénice Bejo, Sous la Seine débarque sur Netflix telle une mise en bouche savoureuse juste avant les Jeux olympiques de Paris. OFF vous emmène dans les coulisses et les secrets de fabrication de cette grosse production française.
Voilà de quoi donner des frissons à quelques athlètes qui concourront aux Jeux olympiques de Paris (26 juillet-11 août). Mais qu’est-ce qui est le plus inquiétant ? L’état alarmant des eaux de la Seine constaté ce printemps par une ONG, alors que doivent s’y tenir plusieurs épreuves de natation – en sus de la cérémonie d’ouverture ? Ou l’idée d’imaginer, en plein crawl, se retrouver soudain nez à nez avec Lilith, la femelle requin qui joue les trouble-fête dans Sous la Seine ?
Le pitch de ce thriller d’anticipation ? Brillante scientifique, Sophia, alias Bérénice Bejo, travaille pour une organisation environnementale de défense des océans. Lors d’une expédition au nord de Hawaï, son équipe va être attaquée par un requin plus dangereux que les autres. Trois ans plus tard, à l’été 2024, Paris accueille pour la première fois les championnats du monde de triathlon sur la Seine. C’est à ce moment que la balise du requin qui a attaqué les chercheurs à l’époque bipe à Paris… Le bain de sang pourra-t-il être évité ?
En janvier dernier, Xavier Gens et Bérénice Bejo sont venus présenter les premières images du long métrage, lors du Festival du film fantastique de Gérardmer. Grâce à Netflix (personne d’autre n’aurait eu le courage d’investir dans un tel film pour le cinéma, tant la prise de risque financière est grande), le réalisateur a confié avoir bénéficié d’un budget confortable, ainsi que d’importants moyens techniques pour concrétiser son projet. Quant au ton, il s’agit de ne pas diaboliser les requins, mais de traiter le sujet au premier degré, afin de respecter le film de genre: un blockbuster grand public avec une conscience écologique, dans l’esprit de Jurassic Park.
Fascination pour les requins
Le requin s’appelle Lilith, c’est une femelle de huit mètres de long, et chaque cicatrice de son corps a quelque chose à raconter. Son histoire a été écrite pour en faire un personnage à part entière, un peu comme pour King Kong. L’animal a d’abord été créé en miniature de stop motion. Cette figurine d’environ 1,50 m a servi pour des plans d’attaque de requins, que le metteur en scène a filmés avec son téléphone. Ensuite, le requin a été scanné pour que les équipes de maquillage et de VFX travaillent dessus à une échelle plus grande. Elles se sont entre autres inspirées de vidéos d’attaques de vrais requins. « Il s’agit parfois d’images violentes, mais ça donne quelque chose de très réaliste. » Quant à Bérénice Bejo, elle a regardé beaucoup de documentaires et écouté des podcasts, afin d’imaginer au mieux le requin invisible auquel elle faisait face lorsqu’elle tournait. « Mais pas d’images violentes pour moi », précise-t-elle. « Mon personnage est fasciné par les requins et je l’ai aussi été. »
« On raconte à quel point le requin est important pour notre écosystème… Ce n’est pas lui, le méchant ! »
L’actrice, césarisée pour son rôle dans The Artist, de Michel Hazanavicius, raconte s’être sentie surexcitée à la moitié de la lecture du scénario. « Sur Coupez ! (ndlr. une comédie de zombies sortie en 2022), j’avais aimé le travail physique, c’était très différent de ce que j’avais fait avant. Après le tournage, j’avais le sentiment de tourner en rond, je m’ennuyais… Avec Sous la Seine, tout était nouveau : une scientifique, les requins, la surpêche, cette dimension écologique très forte, tout me correspondait. Mon personnage défend les océans, on raconte à quel point le requin est important pour notre écosystème, pour la chaîne alimentaire… Ce n’est pas lui, le méchant du film. En plus, j’adore les films de genre… Bref, j’ai sauté sur l’occasion, mais je n’ai pas du tout réfléchi à la préparation physique et au travail de dingue que ça impliquait ! »
Durant trois mois, la comédienne se rend ainsi plusieurs fois par semaine en Belgique, où elle passe quatre heures dans l’eau pour s’initier à l’apnée : d’abord en ne descendant qu’à un mètre, puis jusqu’à neuf mètres. « Au début, j’étais flippée », se souvient-elle. « On n’apprend pas tout ça en cinq minutes, il y a beaucoup de contraintes, mais à la fin, j’étais extrêmement préparée et je suis ravie d’avoir pu donner tout ça. C’est chouette d’avoir une préparation à l’américaine en France et de se dépasser ainsi. En regardant ces images aujourd’hui, je me dis : ‹Merde, qu’est-ce que je vais faire maintenant ?› »
L’envers du décor
Avant de commencer le tournage du « vrai » film, un pré-film a été tourné, en un mois et demi environ, avant d’être monté en huit semaines. Plus souvent utilisé pour la réalisation de films d’animation, ce processus permet de tester la mise en scène, les mouvements, le ton du film, et de réajuster ce qui ne fonctionne pas. Il s’agit en fait d’un tournage simplifié, avec des doublures pour les acteurs et actrices, et les moyens du bord : « On a fait ça à la Michel Gondry, avec des bouts de carton et du plexiglas », précise Xavier Gens. « Cela a permis de se confronter en amont aux problématiques techniques, telles que celles liées au fait de tourner sur la Seine, en plein Paris, par exemple. »
Le fleuve ne pouvait être bloqué que deux heures par jour pour les besoins du film. L’équipe devait donc tourner un maximum avant que le trafic des péniches ne démarre, puis se débrouiller pour se caler entre les passages des bateaux et celui des nuages : en effet, l’action se déroulant en été, le parti a été pris de tourner toutes les scènes en plein soleil. Pour l’anecdote, le premier jour de tournage, un cadavre a été trouvé entre deux péniches. « On tournait pendant que, sur l’autre rive, la police faisait les autopsies… »
La patience a été une arme essentielle au cours de ce tournage. Alors que la mise en place d’un plan standard prend environ 30-40 minutes sur la terre ferme, il fallait compter plutôt une heure et demie dans ces conditions particulières : « Les techniciens et techniciennes s’installent sous l’eau, sachant qu’une bouteille d’oxygène dure quarante minutes et que ça en prend vingt pour la changer », explique Xavier Gens. « Une fois que tout est prêt, on prépare les comédiens et comédiennes et tout le monde plonge ensemble. Là, il faut au moins vingt minutes pour recaler tout le monde techniquement, en tenant compte de la flottaison qui n’est pareille pour personne. » Ensuite, l’équipe tournait la scène, mimée d’abord au sec. Pour diriger l’équipe, Xavier Gens donnait ses indications depuis l’extérieur de l’eau, soit avec des gestes, soit en se calant sur leur respiration pour être entendu. « Il y a de vraies performances de jeu sous l’eau, avec de l’émotion et beaucoup de tensions », souffle-t-il. Malgré toutes ces contraintes, le réalisateur a tenu à pousser l’expérience immersive au maximum, évitant les plans fixes et jouant sur les mouvements pour un véritable effet de mise en scène sous l’eau.
Un véritable puzzle à assembler
L’action du long métrage se déroule à Paris, certes, mais les images aquatiques que les téléspectateurs et téléspectatrices découvrent à l’écran auront en réalité été tournées dans trois lieux différents : la capitale française, évidemment, mais aussi Alicante et Bruxelles. « Il y a d’abord eu toutes les scènes sous l’eau tournées en Belgique », raconte Bérénice Bejo. « À Paris, nous avons surtout tourné les scènes sur le Zodiac, et en Espagne, il s’agit des sorties d’eau et de tout ce qui se passe à la surface. Sur une seule scène, on peut donc voir mon corps dans l’eau à Bruxelles, un plan de transition avec ma tête à la surface à Alicante devant un fond vert et mon corps hors de l’eau à Paris ! » « Comme il y a au minimum trois parties de tournage dans chaque séquence, je devais en permanence penser à la continuité entre chaque plan pour que tout soit coordonné », poursuit Xavier Gens. « Chaque aspect devait être raccord et une séquence pouvait ainsi s’étaler sur plusieurs semaines. Le pré-film était dans ce sens très utile pour ne pas perdre la chronologie des scènes. »
Un autre défi a été d’imiter précisément la texture de la Seine : des plongeurs ont filmé le fleuve de nuit avec des caméras GoPro, puis la turbidité a été recréée dans le bassin de neuf mètres de profondeur de Bruxelles, en ajoutant de l’argile, des fleurs, des détritus… et beaucoup de chou-fleur ! L’infrastructure a aussi permis de reproduire le courant et les vagues. Du côté d’Alicante, ont été tournées les images du triathlon : « C’est le climax du film, alors il fallait que ce soit spectaculaire, et en même temps authentique, sans qu’on sente les effets spéciaux », note Xavier Gens. « Il faut imaginer un bassin de la taille d’un stade de football, avec un gigantesque écran vert pour pouvoir remettre Paris derrière », raconte Bérénice Bejo. « Il y avait des câbles au-dessus, des caméras qui arrivaient de tous les côtés… Cette technologie était aussi inventive qu’ingénieuse, c’était vraiment impressionnant. Et puis, c’est aussi à ce moment qu’il y a eu le plus de figurants et figurantes, pour jouer le public et les athlètes. L’eau était si salée que l’on flottait presque, ce qui m’aidait bien pour nager. En revanche, on ne pouvait pas ouvrir les yeux et la peau nous brûlait de partout ! »