CinémaPortrait

MÉLANIE LAURENT
« C’est ADDICTIF d’écrire une histoire ! »

ELLE EST AUTANT À L’AISE DEVANT QUE DERRIÈRE LA CAMÉRA. ALORS QUE SA NOUVELLE RÉALISATION, LIBRE, VIENT DE SORTIR EN STREAMING, LA FRANÇAISE S’EST GLISSÉE DANS LA PEAU DE MARIE-ANTOINETTE POUR LE DÉLUGE, À DÉCOUVRIR AU CINÉMA.

PAR MARINE GUILLAIN

Lassée et déçue par l’état actuel du monde, Mélanie Laurent préfère vivre dans sa bulle, ne se sentant bien que sur un plateau de tournage ou à la campagne.

« J’aime expérimenter des choses, rencontrer de nouvelles personnes et explorer des univers différents, sinon je m’ennuie un peu », lance Mélanie Laurent. C’est en août dernier que nous avons rencontré l’actrice de 41 ans, au Festival de Locarno. Elle y présentait en première mondiale Le déluge, de Gianluca Jodice, drame historique dans lequel elle prête ses traits à Marie-Antoinette, face à Guillaume Canet en Louis XVI. Sur la Piazza Grande, tous deux ont reçu le prix Excellence Award Davide Campari pour célébrer l’ensemble de leur carrière respective. « Qu’il s’agisse de cinéma d’auteur ou de grands films populaires, je trouve important de rester ouverte à toutes les propositions, pour ne pas risquer de passer à côté de quelque chose », poursuit la comédienne. Elle raconte que sur Le déluge (sur les écrans romands dès le 25 décembre), Guillaume Canet était tellement grimé qu’elle avait l’impression de jouer face à un autre acteur. « Moi, j’avais cette perruque lourde, qui me déséquilibrait et avec laquelle je ne pouvais même pas aller aux toilettes, car je ne passais pas les portes. En revanche, alors que Guillaume passait quatre heures par jour au maquillage, pour moi, c’était rapide, surtout à la fin du tournage, c’était réglé en dix minutes ! »

La raison ? Le film raconte les derniers mois du couple, dans leur cachot. Alors qu’ils se sentaient tout-puissants, on les découvre de plus en plus fragiles, de plus en plus… humains. « Le déluge commence là où tous les autres films s’arrêtent », précise Mélanie Laurent. « Marie-Antoinette a été arrachée à son pays, mariée très jeune à quelqu’un qui ne la comprenait pas, elle a été manipulée et haïe. Finalement, ni Louis XVI, ni elle, ne voulait de ce pouvoir. Lorsqu’ils se retrouvent emprisonnés, ils ne peuvent plus tenir leurs rôles de roi et de reine, et elle a enfin l’occasion de devenir mère et de se rapprocher de son mari. J’ai tout lu sur elle pour préparer ce rôle, j’ai compris sa complexité, sa sensibilité et je l’ai aimée. »

Repérée par Gérard Depardieu

Malgré une carrière internationale qui l’a conduite à tourner pour Jacques Audiard, Quentin Tarantino, Cédric Klapisch, Denis Villeneuve ou encore Angelina Jolie, Mélanie Laurent confie avoir passé sa vie à ne pas se sentir légitime : « C’est parce que j’ai commencé ce métier un peu par hasard », explique celle qui, à l’époque, s’était rendue sur le tournage d’Astérix et Obélix contre César pour accompagner une copine. Gérard Depardieu la remarque alors, lui demande si le cinéma l’intéresse et lui confie un petit rôle dans son film Un pont entre deux rives, en 1998. Dès lors, sa carrière est lancée et elle enchaîne les projets. « J’aborde encore ce métier avec une certaine innocence et je ne me rends pas toujours compte des choses », sourit la Française. Au bout d’une dizaine d’années, boostée par les conseils du producteur Bruno Levy, elle passe derrière la caméra et met en scène Les adoptés (2011).

« J’ai ouvert une porte qui m’a apporté un nouveau regard, j’ai découvert des aspects techniques que je ne connaissais pas… D’ailleurs, je trouverais génial que toutes les personnes d’un plateau s’échangent de job durant trois jours, juste pour comprendre ce que font les autres et ce que ça implique. Personnellement, en tant qu’actrice, lorsque je dirige un film, je sais exactement ce que ressentent mes comédiens et comédiennes juste en voyant leur attitude. » Si Mélanie Laurent affirme apprécier des expériences comme Le déluge, où elle a été prise en charge sans s’impliquer dans autre chose que son jeu d’actrice, elle n’est pas prête à lâcher l’écriture et la réalisation : « C’est très addictif d’écrire une histoire, de partir d’une page blanche et d’aller jusqu’au bout. » Et de pousser la réflexion plus loin : « La vie craint tellement, quand on voit le monde aujourd’hui… C’est ce qui me donne envie d’écrire des histoires. J’aime les personnages de femmes très fortes, qui ont le dernier mot. Quand j’ai le pouvoir d’écrire une histoire plus inspirante que la vraie vie, j’en fais une obsession. »

Vive les films d’action !

Avec Voleuses, comédie d’action sortie en 2023 sur Netflix, Mélanie Laurent réalise et joue, donnant la réplique à Adèle Exarchopoulos. Dans Libre, depuis le 1er novembre sur Prime Vidéo, avec Luca Bravo (le beau gosse de la série Emily in Paris, aussi à l’affiche des Femmes au balcon), elle retrace le parcours du braqueur Bruno Sulak, surnommé « l’Arsène Lupin des bijouteries ». Deux métrages de braquage, desquels émanent surtout les thèmes de l’amitié, de l’amour et de la liberté. Deux films destinés aux plateformes. « Si l’on me donne 14 millions comme l’a fait Netflix pour Voleuses, en me disant que je peux faire un film d’action féminin pour le cinéma, j’y vais », explique la réalisatrice. « Bien que ça reste beaucoup moins élevé que d’autres budgets alloués pour ce genre de films, parce que je suis une femme… Quand j’ai de l’ambition, on ne me donne pas les moyens. Je rêve d’un scénario où il n’y aurait que des femmes pour lequel on m’offrirait le même budget que s’il s’agissait d’hommes. Je sais que ça va arriver, mais j’ignore si j’aurai encore la niaque à ce moment-là. »

Mélanie Laurent

1983 Naissance, le 21 février à Paris.
1999 Premiers pas au cinéma dans Un pont entre deux rives, de Frédéric Auburtin et Gérard Depardieu.
2007 Reçoit le César du meilleur espoir féminin pour Je vais bien, ne t’en fais pas.
2009 Débute à Hollywood en jouant pour Quentin Tarantino dans Inglourious Basterds.
2011 Réalise son premier long métrage, Les Adoptés.
2015 Elle coréalise Demain, avec Cyril Dion, qui dépasse le million d’entrées <br /> et remporte le César du meilleur documentaire.<br />
2021 Membre du jury de la compétition officielle présidé par Spike Lee au Festival de Cannes
2024 Après avoir réalisé Voleuses pour Netflix, elle met en scène Libre pour Prime Vidéo.
1983 Naissance, le 21 février à Paris.
1999 Premiers pas au cinéma dans Un pont entre deux rives, de Frédéric Auburtin et Gérard Depardieu.
2007 Reçoit le César du meilleur espoir féminin pour Je vais bien, ne t’en fais pas.
2009 Débute à Hollywood en jouant pour Quentin Tarantino dans Inglourious Basterds.
2011 Réalise son premier long métrage, Les Adoptés.
2015 Elle coréalise Demain, avec Cyril Dion, qui dépasse le million d’entrées <br /> et remporte le César du meilleur documentaire.<br />
2021 Membre du jury de la compétition officielle présidé par Spike Lee au Festival de Cannes
2024 Après avoir réalisé Voleuses pour Netflix, elle met en scène Libre pour Prime Vidéo.

Cela fait sept ans que Mélanie Laurent a eu l’envie de réaliser Libre : « Avant, ça paraissait impensable qu’une femme mette en scène un film pareil ! Cédric Jimenez et Olivier Marchal voulaient aussi porter à l’écran la vie de Bruno Sulak et aujourd’hui, c’est moi qui le fais. La preuve que ça bouge et que je suis devenue légitime pour raconter une histoire d’hommes, d’action et de braquage. » Tourné à Nice, le long métrage à la mise en scène virevoltante et à l’esthétique des années 80 met en images les braquages, les cavales, mais aussi la romance entre Bruno et sa complice Annie, façon Bonnie & Clyde, ainsi que leur besoin insatiable de liberté et d’anticonformisme : « Cet équilibre dans un couple entre un homme et une femme qui sont à égalité, c’est inspirant. »

La célébrité au service de l’écologie

Parmi les autres films réalisés par Mélanie Laurent, comment ne pas évoquer Demain, ce documentaire à succès qui présente des solutions pour protéger le climat et renforcer les sociétés face aux défis environnementaux ? Lorsque l’on aborde avec elle son engagement écologique, l’artiste confie : « Il y a quelque chose de très angoissant à devenir connue du jour au lendemain, à cause d’un rôle et d’un film. Lorsque ça m’est arrivé, lorsque j’ai perdu mon anonymat, c’était pour moi le revers de la médaille du métier d’actrice. Alors, au lieu de mal le vivre, j’ai décidé d’en faire un outil, de faire en sorte que ça serve à quelque chose. » Dès l’âge de vingt ans, elle contacte Greenpeace, et participe à plusieurs missions avec l’organisme, notamment en Amazonie et en Indonésie, où elle découvre la réalité de la déforestation. « J’ai travaillé sur des barrages, j’ai fait des trous dans le sol, et juste après, je faisais de la promo pour Tarantino, alors que j’avais encore de la terre sous les ongles », se souvient-elle. « Quand on voit ce qui se passe dans le monde et là où on va, je trouve fou que tous les artistes ne soient pas engagés, c’est comme si l’humanité ne les intéressait pas. »

Dans Le déluge de Gianluca Jodice, Mélanie Laurent prête ses traits à Marie-Antoinette face à un Guillaume Canet méconnaissable en Louis XVI.

Lorsqu’elle s’embarque sur les routes de France avec Cyril Dion pour réaliser Demain, c’est « trois ans où tout s’arrête, où je n’ai rien fait d’autre. Le succès nous a complètement dépassés, mais quand je croise des gens qui, grâce au film, ont changé de vie pour avoir un jardin, par exemple, c’est ce qui me fait le plus plaisir au monde. » Lorsqu’elle était dans le jury du Festival de Cannes il y a trois ans, la comédienne raconte avoir eu une crise de larmes en se disant « qu’il n’y avait pas un seul film qui parlait écologie ». « Je me suis culpabilisée, ces derniers temps, de ne pas faire des films plus engagés, ce que je vais désormais faire. Mais, il ne faut pas oublier que l’engagement prend énormément de temps, alors en tant qu’artiste, c’est important de défendre une cause et de la défendre bien, plutôt que de s’éparpiller. » Depuis, la Parisienne a notamment publié un conte écologique pour les enfants, est devenue marraine de l’exposition Mission Polaire au Musée océanique de Monaco et est grimpée dans un arbre pour soutenir les opposants à la construction d’une autoroute.

Échapper à la réalité

Lassée et déçue par l’état actuel du monde, Mélanie Laurent préfère vivre dans sa bulle, ne se sentant vraiment bien que sur les plateaux de tournage ou à la campagne. « Je n’ai pas les réseaux sociaux, j’ai arrêté de lire ce qu’on pouvait écrire sur moi, il y a douze ans, et je ne veux rien entendre », lance-t-elle avec véhémence. Maman de deux enfants (Léo, 11 ans et Mila, 5 ans), avec qui elle habite au calme sur une petite île bretonne « au milieu des arbres et proche de l’océan », elle dit leur apprendre « à protéger plutôt qu’à consommer et à reconstruire plutôt qu’à se lamenter ». Le reste du temps, elle le consacre au travail : « Je me sens bien plus heureuse quand je crée, et lorsque je ne suis pas en train de bosser sur un film, je trouve la vie trop déprimante et compliquée. J’aime de moins en moins le monde et les gens, alors sur un plateau, je m’entoure uniquement de gens que j’aime, y compris de mes enfants qui m’accompagnent. C’est bien sûr une manière d’échapper à la réalité. »