L’album du confinement
Dans son studio à domicile, «au milieu du bordel» indispensable à sa création, Soprano a conçu Chasseur d’étoiles pour se faire plaisir, en l’absence de toute pression durant le confinement. Un temps de pause avec son épouse Alexia et leurs enfants Inaya, 14 ans, Lenny, 13 ans, et Luna, tout juste 10 ans, qu’il a apprécié. «Jeune, j’ai toujours été confiné en quelque sorte, parce que mes parents ne me laissaient pas sortir de peur que je tourne mal. Alors, ce confinement n’a pas changé ma vie. Je suis très casanier. Et les années 80, ça me rappelait justement ma jeunesse confinée, quand je regardais Bruce Lee, La Boum, Star Wars.» Des souvenirs qu’il a voulu transmettre à ses enfants. «Eux, quand ils regardent la série Stranger Things par exemple, truffée de références aux années 80, ils croient que tout est nouveau. Un jour, en voyant Claude François à la télévision, ma fille m’avait même dit «Regarde, il a pris la chanson de M Pokora!»
Le calme du confinement a suivi la tempête du surmenage que l’artiste évoque sans détour: «Ma tournée Phoenix s’était terminée peu avant le début de la pandémie. J’étais tellement fatigué que le confinement m’a beaucoup aidé. J’étais juste à la limite du burn-out. On faisait cinq dates par semaine, je gérais la promo de l’album et à côté j’étais encore juré dans The Voice et The Voice Kids. J’étais KO.» Raison pour laquelle la tournée Chasseur d’étoiles ne compte que cinq villes, toutes espacées de sept jours. «Les Zéniths reviendront, mais pour l’instant, on se concentre sur les stades pour ne pas refaire la même erreur», ajoute-t-il, en toute transparence.
Cette sincérité, on la retrouve toujours dans ses mots, ses raps et ses chansons. Comme dans Parle-moi qu’il a composé il y a 15 ans pour son fils aîné, né sous X et placé à la DDASS à son insu quand il avait 16 ans. Un enfant qu’il espère toujours retrouver, révélait-il récemment sur TF1. En 2014, sans évoquer cette blessure encore vive, il dévoilait dans son autobiographie Mélancolique anonyme, comment au soir du 3 décembre 2004, il avait voulu en finir. «Un sursaut de lucidité, où famille et religion se mélangeaient», lui avait été salutaire, écrivait-il: «J’ai repris lentement confiance en moi et dans la vie. Un peu plus tard, en 2005, j’ai commencé à fréquenter ma future femme, Alexia. Alors, j’ai décidé de divorcer définitivement de la mélancolie, et de l’épouser, elle.»
Puisqu’il faut vivre, le nom de son premier album solo en 2007 souligne ce tournant. «Je soignais mes démons. Je revenais à la surface après la dépression et j’ai décidé d’atteindre le bonheur.» Depuis, Soprano, quatrième personnalité masculine préférée des Français, n’a cessé de viser les étoiles, symboles d’espoir. Le dernier morceau d’un album annonce le nom du prochain qui s’élève toujours plus haut, explique-t-il. La colombe et le corbeau, Cosmopolitanie, L’Everest, Phoenix puis Chasseur d’étoiles… En toute logique, on pourrait bien le suivre prochainement sur Mars.
Faire des choses irréalisables…
Escale à la Pontaise: Michael Drieberg nous dévoile les aménagements prévus pour recevoir Soprano, en arpentant la pelouse où il a sonné les grandes heures du stade, de Michael Jackson à Johnny Hallyday en 2000. «Quand on commence dans ce métier, on veut avoir les plus gros artistes, en faire un maximum. Après plus de 3000 concerts, c’est devenu la routine. Ce qui me fait vibrer aujourd’hui, c’est de faire des choses qui paraissent irréalisables.»
Il fait froid cet après-midi-là sur la Pontaise. Le jour est blanc. Mais à entendre Michael Drieberg décrire ce 4 juin, on sent déjà la chaleur de la foule. Comme un pied de nez au Covid, après deux ans de quasi chômage technique. Le challenge est de taille à lui plaire. «En général, un tiers des places est situé derrière la scène et donc inexploitable. Là, on utilise les 100% des gradins. On a donc dû remettre à jour le système de billetterie, recompter et numéroter tous les sièges.» La disposition demande également une sécurité renforcée pour protéger les cinq scènes et les passages qui les relient. Restent également les 6000 m2 de tartan, en plus de la pelouse, à protéger, le problème des entrées du stade trop petites pour accueillir les semi-remorques acheminant la scène et ses mats de 18 mètres à contourner, les grillages entre les tribunes à démonter, les chemins de fuite adaptés aux cinq scènes à créer. «Soit une bonne semaine de travail, contre deux jours habituellement. On a même prévu des doubles équipes au cas où il faut travailler la nuit à cause d’imprévus.»
Irréalisable, l’aventure ne l’est pas. Mais elle reste un immense coup de poker, reconnaît Michael Drieberg, accusant la taxe sur le divertissement, exception lausannoise, qui amputera les recettes de plus de 400 000 francs. «J’ai organisé tous les concerts de Soprano ces dernières années et ça me fendait le cœur de ne pas pouvoir l’accueillir avec Chasseur d’étoiles. Aucun stade en Suisse romande n’était assez grand pour ce show, à l’exception de la Pontaise, plus large grâce à sa piste d’athlétisme. Je prendrai sur moi le risque de rentabiliser ce concert. On est davantage dans l’émotionnel que dans le rationnel ici parce qu’avec cette taxe, soit on gagne des cacahuètes, soit on ne gagne rien.»