CinémaInterview

Guillaume Canet

Cinéma, musique, équitation, écologie, amour : sa vie est aussi riche qu’éclectique. Rencontre avec un comédien et réalisateur qui vit à 100 a l’heure et dont le cerveau fourmille d’idées et d’envies.

Guillaume Canet, c’est un peu le genre de personne avec qui l’on s’imagine bien pote, sans le connaître personnellement. Il est actif sur les réseaux sociaux, poste des contenus rigolos, il semble accessible, authentique. Aussi bien acteur que réalisateur, il séduit le grand public dans des productions à succès : en tant que comédien, il se fait connaître en donnant la réplique à Leonardo DiCaprio dans La plage (2000), et confirme sa réputation avec la comédie romantique Jeux d’enfants (2003), face à Marion Cotillard. Il prête aussi sa voix à Flash McQueen dans les trois opus de Cars. En tant que metteur en scène, il touche la corde sensible d’un large public avec Les petits mouchoirs (2010) et le fait rire aux éclats dans Rock’n’Roll (2017) – comédie géniale dans laquelle sa compagne Marion Cotillard et lui-même jouent leurs propres rôles et se tournent en dérision.

Côté vie privée, justement, sa relation avec l’actrice oscarisée pour son interprétation d’Édith Piaf dans La Môme les rend encore plus célèbres, la presse les désignant même comme l’équivalent français du couple hollywoodien Brad Pitt et Angelina Jolie. Le Français de 49 ans est aussi fou d’équitation, de musique, et très impliqué dans l’écologie. Même s’il nous assure que ses journées « ne sont pas extensibles », Guillaume continue d’enchaîner les projets, en prenant à peine le temps de respirer. Après quatre ans de travail acharné pour donner naissance à la superproduction Astérix et Obélix : L’Empire du Milieu, sorti le 1er février dernier, il doit encore tourner dans trois films en 2023, et peut-être même dans une série, actuellement en préparation. C’est lors de l’avant-première du film à Genève, le 10 janvier, que nous avons eu l’occasion de discuter avec l’artiste aux multiples casquettes. Bien que fatigué après deux journées entières dédiées à la promotion de son dernier bébé, Guillaume Canet s’est confié avec sincérité sur son métier, ses passions et l’évolution de sa carrière.


OFF : Une fois de plus, comme pour Mon idole, Rock’n’Roll ou encore Lui, vous êtes à la fois devant et derrière la caméra. Quels sont les avantages et les inconvénients à réaliser et à jouer dans le même film ?

Guillaume Canet : L’avantage, c’est que, quand je joue aussi, je suis dans l’énergie du jeu avec les comédiens. Je leur donne le ton du rythme, de la musique… Je suis vraiment avec eux. Le côté négatif est que ça peut être extrêmement frustrant en tant qu’acteur de devoir aller m’occuper de la technique et diriger les autres, lorsque je suis en train de me concentrer sur mon personnage. En tant que metteur en scène, c’est similaire: parfois, je n’ai pas envie d’aller jouer. J’ai envie de rester à l’extérieur, de cadrer… bref, ce n’est pas toujours évident et ce n’est pas que du plaisir.

« Je suis un bosseur, je fais les choses à l’instant Je suis Bélier : je fonce tête baissée et je réfléchis après. »

Photo : Arno Lam


OFF: Est-ce qu’il y a un besoin de votre part de tout contrôler ?
GC:
Oui un peu, mais j’ai beaucoup évolué là-dessus. J’ai appris à avoir confiance en mon équipe, à déléguer, à me poser et à m’apaiser. Durant le tournage d’Astérix et Obélix : L’Empire du Milieu, je dormais sur le plateau. Le matin, je démarrais la journée avec la liste des emmerdes : la pluie qui allait interrompre le tournage, un comédien blessé, etc. Je n’aurais pas pu durer quatre mois comme ça, en essayant de tout gérer. J’ai donc pris les problèmes les uns après les autres, j’ai fait le film jour après jour et c’est comme ça que j’ai réussi à le finir, en arrêtant de me mettre la rate au court-bouillon.

Guillaume Canet et Gilles Lellouche ont dû travailler chacun avec un coach pour trouver leurs propres Astérix et Obélix. « La première répétition a été catastrophique », explique le réalisateur. Photo : Christophe Brachet/Pathé Films


OFF: Avez-vous toujours voulu réaliser et jouer ?
GC: Au départ, je ne voulais pas être acteur, je voulais être metteur en scène. J’ai commencé par réaliser des courts métrages chez moi avec une caméra Super 8, je faisais des gags, je montais à l’arrache dans ma chambre… Un jour, je me suis mis en scène dans mes propres films et c’est comme ça que j’ai découvert le plaisir de jouer.

OFF: Vous souvenez-vous de votre apparition dans la sitcom Premiers baisers ?
GC:
Ah oui, je me rappelle très bien. C’était une période de ma vie où j’avais besoin de gagner ma vie et de payer mes cours de théâtre. Je faisais de la figuration dans tout ce qui s’offrait à moi. Quelqu’un est venu me voir et m’a dit : « Vous voulez dire un mot? C’est payé plus cher. » J’ai répondu par l’affirmative. Je devais donc entrer dans la cafétéria et dire « Virginie ! ».

OFF: Quelques années plus tard, vous obtenez un rôle dans La plage, qui sort en 2000 et vous révèle aux yeux du grand public : quels souvenirs gardez-vous du tournage ?
GC:
C’était dingue, c’était un de mes premiers rôles au cinéma, je me suis retrouvé dans un pays incroyable avec l’une des plus grandes stars mondiales, Leonardo DiCaprio, et l’un des plus grands réalisateurs du moment, Danny Boyle. C’était magique ! Je me souviens, le premier soir, le producteur avait organisé une fête dans sa maison sur la plage et j’étais pieds nus, dans l’eau, avec le vent chaud qui soufflait, j’avais environ 19 ans et je trouvais que j’avais une chance incroyable. J’ai eu environ vingt jours de tournage sur quatre mois, donc j’ai passé mon temps à fumer des pétards et à faire de la plongée.

OFF: Si on vous avait dit, au début de votre carrière, que vous alliez mettre en scène Astérix et Obélix, l’auriez-vous cru ?
GC:
Pas trop, non. Ça n’a jamais été un but dans ma vie mais je suis très heureux et très fier d’avoir eu la chance de réaliser ce film.

À la fois acteur et réalisateur sur le film, Guillaume Canet a « bossé comme un dingue pendant quatre mois ». « J’aime bien me lancer dans un projet où je vais découvrir et apprendre. » Photo : Christophe Brachet/Pathé Films

OFF: Est-ce que ce défi vous a mis une grosse pression ?
GC:
Pas au début. Je suis un bosseur, je fais les choses à l’instant. Je suis Bélier, donc je fonce tête baissée et je réfléchis après. Si je me pose trop de questions au départ, ça ne sert à rien de me lancer. Je préfère me donner à fond et faire le mieux possible. Ça fait quatre ans que je bosse comme un dingue sans y penser et désormais l’adrénaline retombe un peu. C’est seulement maintenant que le film va sortir et que l’on va être confronté au public et aux critiques que je flippe en me disant : « Oulala ! Qu’est-ce que j’ai fait ? Pourquoi je me colle des trucs aussi énormes sur les épaules ? »

OFF: Vous avez perdu du poids pendant cette période, n’est-ce-pas ?
GC:
Oui, j’ai perdu six kilos, tellement c’était intense et tellement il y avait de boulot.

OFF: Gilles Lellouche, lui, en a pris 20 pour se glisser dans le pantalon d’Obélix…
GC:
Oui, c’était intense pour lui aussi. Il a suivi une vraie préparation physique, il a fait beaucoup de musculation… Il était content de bouffer et de boire des coups, mais ce qui est plus compliqué, c’est de perdre ces kilos après !

OFF: Gilles est un ami de longue date pour vous et vous avez déjà travaillé ensemble à plusieurs reprises, notamment dans Mon idole et Les petits mouchoirs : comment avez-vous construit ce rapport d’amitié et de collaboration ?
GC:
Nous sommes amis depuis très longtemps, mais ça ne suffit pas pour faire un duo au cinéma. Un mois et demi avant le début du tournage d’Astérix et Obélix, nous avons fait notre première répétition, nous avons joué la première scène du film où ils marchent dans la forêt. C’était catastrophique.

OFF : Pourquoi ?
GC: Parce qu’on a fait des espèces d’imitations, moi de Christian Clavier, lui de Gérard Depardieu. C’était complètement naze. Il a fallu qu’on trouve nos propres Astérix et Obélix, alors on a bossé chacun avec un coach qui nous a aidés à trouver le personnage, sa voix, sa gestuelle. Mon coach m’a demandé de lui raconter le scénario comme si j’étais Astérix et dès que j’ai commencé à parler, je me suis rendu compte que je m’exprimais comme un ado. C’est alors devenu évident, mon Astérix était un adolescent.

OFF: Le casting du film est complètement fou et regroupe une quantité incroyable de célébrités : c’est parce que ce sont vos potes ou parce qu’il faut faire venir les gens en salle ?
GC:
Lorsqu’on fait une grosse production comme ça, à gros budget, on se doit de faire un film événement, une grande fête, et on a envie de réunir des gens qui sont aimés. Alors oui, je suis allé chercher des gens qui sont très appréciés du grand public.

OFF: Vous avez donné le rôle de Cléopâtre à Marion Cotillard : c’était immédiatement une évidence, ou avez-vous pensé à quelqu’un d’autre ?
GC:
Non, c’était évident, ça m’a fait marrer de lui proposer ce rôle-là et je crois qu’elle s’est bien amusée dans cette énergie, avec ce rire hystérique.

Pendant le tournage d’Astérix et Obélix, Guillaume Canet dormait sur le plateau. « Je démarrais ma journée avec la liste des emmerdes : la pluie qui allait interrompre le tournage, un comédien blessé, etc. » Photo : Christophe Brachet/Pathé Films

OFF: Vous avez récemment participé au Late Show d’Alain Chabat et avez plaisanté avec lui sur le fait qu’il ne joue pas le rôle de César (ndlr. rôle que le comédien jouait dans Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre, succès phénoménal au box-office sorti en 2002). En vrai, avez-vous pensé à lui ?
GC:
Non, et je savais que de toute façon il était trop occupé. Par contre, on a bu un café ensemble au début du tournage et je lui ai demandé des conseils. Il a été adorable avec moi. Je lui avais demandé de faire la voix off du film, mais finalement, c’est son pote Gérard Darmon qui l’a faite, donc c’est un peu pareil !

OFF: Un tournage d’une telle envergure, c’était nouveau pour vous ?
GC:
Oui, complètement, et c’est ça qui m’excitait. J’aime bien me lancer dans un projet où je vais découvrir et apprendre, me retrouver dans une zone d’inconfort. Travailler avec les effets spéciaux était nouveau et maintenant que je l’ai fait, je vois les choses complètement différemment. Je sais que je peux raconter les histoires d’une autre manière et laisser mon imagination aller plus loin.

OFF: Le confinement a aussi mis le projet en pause. D’ailleurs, pendant ce temps, vous avez réalisé Lui : un drame dans lequel le personnage que vous jouez, musicien, est en panne d’inspiration. Cela vous est-il déjà arrivé?
GC: Non, pour l’instant, jamais. J’ai plein de choses en tête, plein d’idées de films que j’ai envie de faire… Je n’ai jamais vraiment séché, mais ça viendra sûrement un jour.

OFF: La musique a aussi une place importante dans votre parcours.
GC:
J’adore la musique, et j’adore la musique au cinéma. Elle peut vraiment apporter beaucoup à l’image, notamment en matière de rythme et d’émotion. Souvent, j’écris en musique. J’aime aussi beaucoup en écouter et regarder les gens passer dans la rue : je m’invente alors des histoires, ça nourrit beaucoup de choses.

OFF: Quel genre de musique écoutez-vous ?
GC:
J’ai des playlists aléatoires. Parfois, je travaille sur un scénario, une musique que j’entends m’inspire une scène, alors je l’écris jusqu’au bout avec cette musique en boucle. Ensuite, je la mets sur le plateau pour que tout le monde l’entende, et ensuite, il faut que je l’aie au montage dans le film, car je n’arrive plus à m’en séparer.

OFF: Vous-même, vous composez et chantez un peu : avez-vous un projet qui se prépare là autour ?
GC:
Non. J’adore composer, mais je chante très mal. J’avais bien enregistré quelques titres, mais je ne suis jamais allé au bout.

OFF: Vous êtes aussi un fan d’équitation : une chute lorsque vous aviez 18 ans a interrompu votre carrière de cavalier, jusqu’au film Jappeloup en 2013…
GC:
Après ce grave accident, j’avais tout arrêté. J’en avais marre de cette vie de concours à aller à droite à gauche, je n’avais plus envie. Quand on m’a proposé Jappeloup (ndlr. biographie du cheval Jappeloup, champion de saut d’obstacles qui remporta de nombreux titres dans les années 80), j’ai trouvé que c’était une histoire géniale. J’ai donc recommencé le cheval et le virus m’a rattrapé. J’ai fait des concours pendant dix ans à haut niveau, puis j’ai à nouveau arrêté à cause d’Astérix. Cela me prenait trop de temps.

OFF: Selon Wikipédia, vous avez fait 623 concours entre 2012 et 2017 et vous en avez gagné 33…
GC:
C’est bien possible ! Je n’ai pas arrêté. Je ne sais pas si je vais reprendre, car il faut vraiment s’occuper des chevaux tout le temps, les monter régulièrement… C’est chronophage.

OFF: Le cheval, la musique, l’engagement écologique ; vous êtes acteur, réalisateur, papa de deux enfants : combien de vies avez-vous ?
GC:
 Il y en a beaucoup ! Et mes journées ne sont pas extensibles, ce qui explique pourquoi je bâille beaucoup !

OFF: Est-ce que vous vous mettez parfois en « off » ?
GC:
Il faut que je trouve le temps. En vrai, je le trouve pour faire des films, donc je pourrais le trouver pour me reposer. Mais je m’améliore : j’ai pris deux mois complets de repos pendant les vacances d’été, ce qui ne m’était pas arrivé depuis très longtemps. J’ai passé du temps avec des potes, j’ai fait plein de trucs, ça m’a fait beaucoup de bien.

OFF: Outre L’Empire du Milieu, on vous verra à l’écran cette année dans d’autres productions, n’est-ce-pas ?
GC:
 Oui, il y a le film fantastique Acide, de Just Philippot, que j’ai tourné l’an passé, ainsi que le thriller Un coup de dés n’abolira jamais le hasard, d’Yvan Attal qu’on a tourné cet automne à Nice.

OFF: Et vous avez aussi prêté votre voix pour le film d’animation Nina et les contes du hérisson, qui sortira en octobre prochain. 
GC:
Non, ça je ne suis pas au courant. Ah mais si, je l’ai enregistré ! Je crois que j’ai fait ça un après-midi. Oh la la, je suis grave, je ne me rappelle même plus !

OFF: Vous mériteriez du repos maintenant… mais apparemment, ce n’est pas encore demain que vous allez vous reposer ?
GC:
 Non, je pars en Italie pour faire un film sur les derniers jours de la vie de Louis XVI avec Mélanie Laurent. Ensuite, je vais tourner un film de Stéphane Brizé, une très belle histoire d’amour, puis un autre mis en scène par Benoît Jacquot. Il y a aussi une série en développement, je ne peux pas trop en parler, mais ce sera sur un tueur en série, que j’interpréterai.

OFF: Et niveau réalisation ?
GC:
Rien pour l’instant. Je veux être tranquille. Et si Astérix et Obélix : L’Empire du Milieu ne marche pas, je n’en ferai peut-être plus d’autres. Il faut qu’il fonctionne, sinon ça va être dur pour moi.

OFF: Si le cinéma disparaissait de la planète, vous feriez quoi ?
GC:
 Je deviendrais agriculteur. Je travaillerais la terre et je prendrais du temps pour moi. Je trouverais toujours à m’occuper, ça, c’est sûr.

INTERVIEW

– Guillaume Canet

Guillaume Canet

1973 Naissance le 10 avril à Boulogne-Billancourt.
2001 Il épouse l’actrice Diane Kruger (ils divorceront en 2006).
2002 Il réalise Mon idole, son premier long métrage.
2007 Il se met officiellement en couple avec Marion Cotillard, qu’il connaît depuis 1997. Ils auront deux enfants : Marcel, en 2011, puis Louise, en 2017.
2007 César du meilleur réalisateur pour Ne le dis à personne.
2010 Il réalise Les Petits mouchoirs, gros succès commercial.
2023 Sortie de Astérix et Obélix : L’Empire du Milieu, l’un des films les plus chers de l’histoire du cinéma français.
1973 Naissance le 10 avril à Boulogne-Billancourt.
2001 Il épouse l’actrice Diane Kruger (ils divorceront en 2006).
2002 Il réalise Mon idole, son premier long métrage.
2007 Il se met officiellement en couple avec Marion Cotillard, qu’il connaît depuis 1997. Ils auront deux enfants : Marcel, en 2011, puis Louise, en 2017.
2007 César du meilleur réalisateur pour Ne le dis à personne.
2010 Il réalise Les Petits mouchoirs, gros succès commercial.
2023 Sortie de Astérix et Obélix : L’Empire du Milieu, l’un des films les plus chers de l’histoire du cinéma français.