Nathalie Herschdorfer L’image pour s’ouvrir au monde
Apres avoir dirigé le Musée des beaux-arts au Locle, la Neuchâteloise vient de prendre ses fonctions à Photo Elysée à Lausanne en juin dernier. Férue d’actualité, elle veut faire de son musée un lieu en réseau.
En ce mardi jour de fermeture de photo élysée, nous avons ce lieu majestueux rien que pour nous. Pour entrer dans le cube fissuré, on passe par ses failles. Elles laissent entrer la lumière davantage qu’une porte. Elle arrive comme telle, Nathalie Herschdorfer, habillée en bleu monochrome, tote bag orange en bandoulière, look japonisant qui s’accorde à l’aspect très épuré du lieu. Elle est chez elle. Entre les murs mobiles du musée, dans les clairs obscurs des jeux de lumière, «dans ce bâtiment icône, sculptural, très dessiné», qui abrite aussi le mudac. La collaboration entre les deux institutions est évidente dès l’exposition inaugurale, préparée par sa prédécesseure Tatyana Franck. Elle se poursuivra. Cet automne, nous verrons comment les images d’aujourd’hui nous racontent la guerre, en lien avec l’Ukraine.
Cette férue d’actualité, sidérée lors de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, est notamment abonnée en ligne au New York Times, au Monde, à Libération ou encore à 24 heures. Le week-end, elle tient à ses versions papier de la presse hebdomadaire. «Là, c’est essentiellement le texte qui compte, et les points de vue des rédacteurs de journaux bien précis dans une culture bien précise. Les photographies sont tout aussi orientées, selon qu’elles sont prises par un photographe européen, ukrainien ou russe.» Alors que le conflit révolte ou inquiète l’Europe entière, Nathalie Herschdorfer se sent d’autant plus concernée que sa famille est originaire de Przemysl, dans le sud-est de la Pologne, à la frontière de l’Ukraine. Depuis février, la ville est une des portes d’entrée en Europe pour les populations qui fuient la guerre. «Mon grand père a fui la Pologne pendant la Deuxième Guerre mondiale, donc je fais automatiquement des parallèles.»
Étudiante, elle a appris le russe, car c’était une façon de se rapprocher de ses origines slaves. L’époque était tout autre: l’Union soviétique s’effondrait, Gorbatchev menait sa perestroïka, l’Est se révélait au monde et Nathalie partait à sa rencontre, heureuse de pouvoir enfin regarder à l’opposé de l’Occident et des États-Unis. À côté de ses études de langues et de littératures russe, elle étudiait l’histoire de l’art. Et c’est finalement cette discipline qui l’emporte. «J’ai compris que l’on pouvait s’ouvrir au monde autrement que par les langues: par les images.» Mais l’intérêt premier reste celui de découvrir et de faire découvrir d’autres cultures et façons de penser. À travers les photographies ou d’autres médiums, en collaborant notamment avec le MCBA et le mudac.
Nathalie Herschdorfer veut faire de son Photo Élysée un lieu en réseau, collaborant avec d’autres musées à travers la Suisse et le monde, un endroit où penser et ressentir les images, un rendez-vous privilégié avec le public, mais aussi les artistes. «J’aimerais explorer d’autres programmes, par exemple des conversations avec des photographes, à diffuser plutôt en ligne et qui seraient indépendantes des expositions. L’idée est de partager ce lien étroit que j’ai, de par ma fonction, avec les artistes. Ces conversations seraient destinées aux autres artistes, pas forcément au grand public.» À long terme, elles pourraient constituer une forme d’archive. Des idées comme celles-ci, Nathalie en a plein le carnet qu’elle emporte toujours avec elle. Ni journal, ni destiné à être lu par d’autres, il lui permet de garder une trace de ses journées, de noter des pensées qui émergent lors de rendez-vous, de lectures ou de moments avec elle-même. Des mots, ébauches d’images futures.