USINE À GAZ « UN CAISSON DE RÉSONANCE »
DIRECTRICE GÉNÉRALE ET ARTISTIQUE, KARINE GRASSET VEUT QUE LA SALLE NYONNAISE, ALERTE TRENTENAIRE, INCITE SON PUBLIC À S’OUVRIR À D’AUTRES POINTS DE VUE.
Par Jean-Daniel Sallin / Photos : Matthieu Gafsou
DIRECTRICE GÉNÉRALE ET ARTISTIQUE, KARINE GRASSET VEUT QUE LA SALLE NYONNAISE, ALERTE TRENTENAIRE, INCITE SON PUBLIC À S’OUVRIR À D’AUTRES POINTS DE VUE.
Par Jean-Daniel Sallin / Photos : Matthieu Gafsou

Drôle de nom pour une salle de spectacle ! Dans le langage courant, une « usine à gaz » est, selon l’expression, « un projet ou une situation complexe, difficile à comprendre ou à résoudre ». Mais, lorsqu’on rencontre Karine Grasset, directrice générale et artistique des lieux, dans son bureau, l’évidence saute aux yeux. À Nyon, cette usine-là sait parfaitement où elle va. Elle vient de célébrer ses trente ans sous le cagnard – entre chaises longues, roulements de tambour et performances d’artistes. Et, avant de fermer pour l’été, elle a levé un coin de voile sur sa saison 2025-2026. Un programme hétéroclite qui navigue entre créations théâtrales, humour, cirque et musiques d’aujourd’hui.
« Nous sommes la seule scène de Nyon à proposer une saison culturelle », précise Karine Grasset. « Notre rôle est de varier les langages scéniques, dans le but de stimuler la curiosité et de nous adresser à une large palette de publics. » Quand on lui confie les clés du bâtiment, en 2020, après trois ans de fermeture pour travaux, la Française a une vision claire pour cette institution : en faire « un caisson de résonance pour les enjeux de notre société ». La pandémie de Covid-19, avec son cortège de restrictions et d’annulations, la contraint à réduire ses ambitions immédiates. La culture était considérée comme « non essentielle », rappelons-le !
Aujourd’hui, sa quatrième saison complète à la tête de l’Usine à Gaz incarne parfaitement cette envie de réflexion. « Dans notre société, nourrie aux réseaux sociaux, nous avons besoin de recréer du dialogue, d’amener de la nuance », explique-t-elle. « Nous devons inviter les gens à se décentrer et à s’ouvrir à d’autres points de vue. » Avec son seul en scène humoristique, Le 1 er sexe ou la Grosse arnaque de la virilité, Mickaël Délis viendra ainsi questionner le modèle de l’homme fort et conquérant, servi comme modèle aux petits garçons. Dans Shahada, un dialogue entre le passé et le présent, le comédien syrien Fida Mohissen raconte son parcours de vie, ce moment charnière dans sa vie où il a hésité entre le djihad et le théâtre. Et, à chaque fois, l’Usine à Gaz propose un espace d’échanges, une table ronde, un bord plateau, « pour aller plus loin ».
Même s’il a fallu s’exiler pendant trois ans à Rolle, Gland ou Coppet pour continuer d’exister, l’Usine à Gaz a passé un cap important en 2018, lorsque les travaux d’agrandissement ont commencé, afin de lui offrir une deuxième salle dédiée aux arts vivants. Un espace, avec ses 207 places assises, qui lui permet de doubler sa capacité d’accueil. Le projet, conçu par le bureau d’architecte Esposito + Javet, prévoit même un appartement, avec quatre chambres, pour loger les artistes de passage. « Cela représente une économie non négligeable en nuits d’hôtels », admet Karine Grasset. « Ce logement nous offre aussi la possibilité d’accueillir des artistes en résidence dans le cadre d’une création… »
Construite en 1864 pour produire du gaz à destination de l’éclairage publique de Nyon, l’Usine à Gaz a réussi sa mue. Si elle n’a été exploitée qu’une trentaine d’années, avant de devenir un hangar à bus pour une entreprise de transports, elle a échappé à la destruction grâce à l’opiniâtreté de la population, après une âpre bataille politique pour sauver ce témoin du patrimoine industriel nyonnais. Le référendum de 1993 a définitivement ancré son destin sur les rives du lac. Aujourd’hui, plus personne ne remet en doute son existence et son utilité. Dirigée par une association, présidée elle-même par Pierre-Alain Couvreu, l’Usine à Gaz arbore fièrement ses murs gris, face au Léman, avec cette certitude d’être une pièce essentielle dans le puzzle culturel de la ville. Entre Paléo, Visions du Réel et le FAR. Une belle photo de famille, non ?
Informations et billetterie sur
www.usineagaz.ch
CREDITS SUPPLEMENTAIRES
© Pascal Gely
LA SAISON 2025-2026
Dans son seul en scène humoristique, Mickaël Délis questionne le modèle de l’homme fort et conquérant, servi comme modèle aux petits garçons.


Karine Grasset est directrice générale et artistique de l’Usine à Gaz depuis le 1er avril 2020, après avoir été secrétaire générale de la Commission romande de diffusion des spectacles (CORODIS) pendant douze ans.