ScèneA table

L’indépendance au féminin : « Patronnes » et fières de l’être

Mélanie Freymond, Emi Vauthey et Nadine Graves se sont retrouvées à l’hôtel the woodward, dans la véranda du restaurant le jardinier. Toutes trois ont choisi le chemin de la liberté professionnelle pour s’accomplir et s’épanouir.

Nadine Graves, Mélanie Freymond et Emi Vauthey ne se connaissaient pas. Mais, tout de suite, des atomes crochus sont apparus.

Quel est le point commun entre une artiste de cirque, qui a tourné avec Eloize dans le monde entier pendant cinq ans, une journaliste, devenue ambassadrice de la Croix-Rouge et comédienne en cours de pandémie, et une professeure de yoga britannique, habituée aux défilés dans les soirées VIP de la région? Évidemment, la réponse, simple, sauterait aux yeux de n’importe quel client du restaurant Le Jardinier qui passerait à côté de notre table. Ce sont trois femmes, belles, heureuses, gourmandes, qui hésitent, longuement, devant la carte imaginée par le chef exécutif de l’hôtel The Woodward, Olivier Jean, «élève» de Joël Robuchon pendant douze ans. Burrata GRTA ou truite du Valais en entrée? Omble chevalier ou chou-fleur en risotto pour le plat principal? Allez! On commence par un cocktail à la betterave. Il y a des miettes de biscuits Oreo sur le dessus qui donnent une note sucrée au mélange bordeaux…

Revenons à notre question d’introduction! Au-delà des apparences, la vérité est plus subtile. Emi Vauthey, Mélanie Freymond et Nadine Graves, mes invitées du jour, habitent, certes, toutes les trois de l’autre côté de la Versoix. À Lausanne pour les deux premières, à Founex pour la troisième. Mais, surtout, ces femmes, à l’énergie débordante, sont indépendantes professionnellement. «Nous sommes toutes nos propres patronnes», fait d’ailleurs remarquer Mélanie, une fois les présentations effectuées. Le trio ne se connaissait pas, mais tout de suite, quelques atomes crochus sont apparus. Et celui-là n’est pas des moindres. À un moment de leur vie, elles ont choisi une voie, celle de la liberté et de l’entrepreneuriat, pour donner un vrai sens à leur quotidien. «La gratitude n’est pas la même, quand tu t’investis émotionnellement dans ton projet, quand tu prends tes propres décisions», admet Emi. «Tu sais toutes les heures que tu as passées pour pouvoir atteindre tes objectifs.»

Amitiés sous le chapiteau

À 30 ans, la Lausannoise, ex-membre de l’équipe de Suisse de gymnastique rythmique, a eu envie, en pleine crise sanitaire, de créer un lieu de spectacle, à Prilly, là où se dressait la patinoire éphémère du LHC. O’chap est née d’une frustration, de cette rage viscérale d’être privée de scène à cause d’un virus. Elle qui a interprété la Libellule lors de la dernière Fête des Vignerons, se retrouvait soudain coupée de sa bande de potes, au Québec, en France, et elle a eu envie de s’inventer un autre groupe d’amis. En ouvrant son chapiteau à des humoristes, à des musiciens. En y créant ses propres spectacles avec son accolyte, Jules Trupin, rencontré sur les routes avec le Cirque Eloize.

«La gratitude n’est pas la même, quand tu t’investis émotionnellement dans ton propre projet.»

Nadine, elle, a découvert le yoga par hasard, lors d’une retraite où on l’avait invitée. Une révélation! Mannequin sur ses heures creuses, elle n’a pas immédiatement pensé à en faire son métier. L’idée a germé au fil du temps, nourrie par ses voyages en Asie et cette conviction que le bien-être est à la portée de tous. Aujourd’hui, elle a ses «résidences» dans le canton, au Woodward justement, ou à La Réserve; elle vient de lancer sa chaîne YouTube pour distiller ses cours en ligne et organise des week-ends de retraite dans le Jura ou à Marbella. «J’ai mon propre style, inspiré des différentes pratiques apprises jusque-là», dit-elle. «Mais, avec la pandémie, on sent un intérêt plus marqué pour le yoga. Les gens sont stressés, perdus, ils sont en quête de réponses. Parfois, il est bon d’éteindre le cerveau et de se reconnecter à soi-même…»

Santorin, Québec, Afrique du Sud, Tanzanie… Les trois femmes ont partagé leurs souvenirs de voyage, en appréciant la cuisine du chef Olivier Jean.

Genève, le 18 février 2022. Portrait de Melanie Freymond, présentatrice de television . © Magali Girardin
Genève, le 18 février 2022. Portrait de Melanie Freymond, presentatrice de television ( de dos ) et Emi Vauthey, artiste du cirque. © Magali Girardin
Genève, le 18 février 2022. Portrait de Nadine Graves, professeur de Yoga et Melanie Freymond, présentatrice de television ( de dos ). © Magali Girardin

En Bosnie avec la Croix-Rouge

Pour Mélanie, la cloche de la liberté a sonné bien plus tôt. En 2015. «Quand je suis devenue indépendante, on m’a pris pour une folle, parce que j’étais maman, parce que j’avais tout à construire…» La Lausannoise a cru en sa bonne étoile, restant sourde aux esprits chagrins. Journaliste, présentatrice, elle enchaîne émissions, soirées de gala et conférences. «Je n’ai jamais regretté mon choix. Je suis curieuse, j’ai tendance à m’ennuyer vite, je ne peux donc qu’apprécier cette absence totale de routine dans mon quotidien.» Si la pandémie a compliqué son existence, elle lui a aussi permis de se lancer d’autres défis. La Croix-Rouge lui a demandé de devenir l’une de ses ambassadrices en Suisse. Avec, à la clé, un voyage en Bosnie en 2021 pour observer, sur le terrain, la crise des migrants. Un séjour qui l’a marquée dans sa chaire. Elle a encore les larmes aux yeux quand elle parle de ces familles, afghanes ou pakistanaises pour la plupart, sur les routes depuis plusieurs années et qui ne demandent qu’un peu de compassion pour qu’on les laisse vivre en paix. «Certains des enfants sont nés en cours de voyage, ils n’ont jamais eu de maison…» La veille de notre déjeuner, Mélanie était à Gstaad pour partager son expérience lors du Bal de la Croix-Rouge. Une soirée qui a permis de récolter 800’000 francs.

«Quand je suis devenue indépendante, on m’a pris pour une folle, parce que j’étais maman…»

Mais la Lausannoise a ajouté une autre corde à son arc: elle est aussi devenue comédienne. Avec Nathan Pannatier et Olivier Giroud, elle a joué, en octobre dernier, contre vents et marées, une pièce, Hystéries, à Villeneuve. Un texte, écrit par le metteur en scène et réalisateur belge Alexis van Stratum en 2004, sur les relations de couple, les violences conjugales, qui reste d’une actualité brûlante. «J’ai vécu deux ans avec un pervers narcissique, le message de cette pièce m’a touché», précise Mélanie. Si le trio se produira en juillet au Festival d’Avignon, il cherche des dates en Suisse pour l’automne. La phrase n’est pas restée lettre morte. Emi se propose d’accueillir la troupe sous son chapiteau. On s’échange les cartes de visite, on se promet de garder le contact…

Du Québec à l’Afrique du Sud

Ces trois femmes ont un autre dominateur commun. Le goût du voyage. Des envies que le Covid a forcément rendu obsolètes. Tout en profitant du soleil qui chauffe agréablement la véranda du Jardinier, et alors que les badauds découvrent les statues du célèbre Chat de Gelück alignées sur le quai Wilson, on se prend à s’évader. Santorin, avec ses «vibrations si particulières», le Québec et ses cabanes à sucre… Pour ses 40 ans, Mélanie avait emmené son fils en Tanzanie pour un safari. Elle voulait lui montrer les animaux dans leur milieu naturel. Emi, elle, évoque son voyage en Afrique du Sud avec Eloize. Un mois plein où elle a découvert toute la richesse d’un peuple et l’héritage encore bien vivace de Nelson Mandela.

«Lorsque tu signes un contrat avec un cirque, tu pars pour 150 à 200 dates autour du monde», confie-t-elle. «Là, c’est la première fois que je reste aussi longtemps au même endroit, j’ai dû m’habituer à cette stabilité.» La vie change. Comme ses propres aspirations. Nadine s’est mise à cuisiner pendant le confinement en dévorant les livres du chef Ottolenghi. Emi, elle, fuit les casseroles, mais s’octroie ses «petits moments de méditation» avec l’escalade, «le premier sport que je pratique pour le plaisir». Mais, dans chaque mot, dans chaque sourire, on sent ce besoin de se faire du bien. Un profond désir de liberté qui résonne.

On fait les présentations…

Geneve, le 18 fevrier 2022. Portrait de Melanie Freymond, presentatrice de television .© Magali Girardin

MELANIE FREYMOND

Mélanie Freymond a été longtemps l’un des visages-phares de la RTS. Jeux télévisés, élections de Miss et Mister Suisse, émissions en prime time: elle a tout fait. Cette journaliste a pourtant plus d’un tour dans son sac. À l’aise autant à la radio que dans une soirée de gala, elle est l’une des ambassadrices de la Croix-Rouge Suisse et vient de se lancer dans le théâtre. Avec succès!

Geneve, le 18 fevrier 2022. Portrait de Emi Vauthey, artiste du cirque. © Magali Girardin

EMI VAUTHEY

Membre de l’équipe de Suisse de gymnastique rythmique, la Vaudoise a atteint deux fois la finale de l’émission La France a un incroyable talent. Elle a ensuite travaillé avec le Cirque Eloize, puis la compagnie Les 7 doigts de la main, avant d’être la Libellule de la dernière Fête des Vignerons. En 2021, elle a créé O’Chap à Prilly avec Jules Trupin.

www.ochap.ch 

Geneve, le 18 fevrier 2022. Portrait de Nadine Graves, professeur de Yoga. © Magali Girardin

NADINE GRAVES

Arrivée en Suisse à l’âge de 10 ans, la Britannique est sortie de l’Université de St. Andrews en Écosse avec un master en histoire de l’art. Si elle a toujours considéré le mannequinat comme un hobby, elle a trouvé sa voie avec le yoga, une discipline qu’elle enseigne dans plusieurs lieux à Genève et, désormais, en ligne sur YouTube.

www.nadinegravesyoga.com