ScèneDans Le Décor

Brigitte Rosset : «J’aime bien et je châtie bien…»

Toujours en tournée ou en virée, la comédienne et humoriste Genevoise a l’énergie de l’enfance et la sagesse pleine de fantaisie de certains anciens.

À son entrée sur scène, elle est si naturelle qu’on a l’impression qu’elle retrouve une bonne copine plutôt qu’une salle archi-comble. Ou son copain Jean-Pierre, celui qui a l’accent genevois à couper au couteau et dont elle a fait un personnage récurrent. Elle dit carburer au plaisir. Il doit être plus fort que le trac, et clé de son authenticité. Hors des planches, elle garde ouverts ses grands yeux enthousiastes sur tout ce qui l’entoure. «Mon grand-père, c’était les plantes, moi, les gens, mais c’est lui qui m’a appris à regarder. Dans la famille, avec ma mère, mes sœurs, on avait toujours une oreille qui traînait vers la table d’à côté, au café. Pas pour juger!» Pour observer. Rire, éventuellement. «Ça fait honte à mes filles, quand je commente l’habillement d’une personne, dans le bus. Tu trouves ça joli, toi, comme elle est habillée? Elles me disent que ça ne se fait pas, que je parle fort. Je ne peux pas m’empêcher», admet joyeusement celle qui regarde, commente, moque, mais tendrement, sans jamais se placer au-dessus de ceux qu’elle croque.

«Je suis l’imitatrice des gens que personne ne connaît.» Ceux qui sont comme nous. Ceux que l’on croise dans la rue, au café, ou lors d’une semaine de jeûne, comme dans son dernier spectacle, Ma cuisine intérieure. Ceux que l’on rencontre aussi en clinique, lors de nos cassures, nos déceptions ou nos dépressions, et dont Brigitte se souvenait dans son solo précédent, Smarties, Kleenex et Canada dry. «J’aime bien et je châtie bien, en quelque sorte», préférant rire d’elle et des autres plutôt que de s’apitoyer sur son sort ou de victimiser ceux dont elle fera des personnages. Mais comment le prennent-ils, ceux qui se reconnaissent? Anne-Marie, par exemple, son amie multi refaite? «J’en ai plusieurs, des amies comme ça, mais elle s’en fiche que je l’imite, parce qu’elle est plus âgée, elle est au-dessus de ça. Elle se trouve super chouette, elle parle de ses interventions à tout le monde. Bon, quand elle me voit sur scène, elle me dit quand même qu’elle n’a pas fait tout ça pour ressembler à son personnage. Mais non, bien sûr que non, je lui réponds.» Brigitte ne dérobe que des parties de nous, les plus caricaturales, les plus susceptibles de faire rire, une expression, un geste. Le personnage de sa mère par exemple, c’est toujours un air sévère et la main sous le menton.  «Chacun de mes personnages a un détail physique qui me permet de passer rapidement de l’un à l’autre. C’est un peu comme une chorégraphie. À la longue, on gagne en souplesse. C’est la mémoire du corps.» Une danse, qui lui permet d’incarner plus de dix personnages dans son dernier solo.  «Ma mère n’aimait pas que je parle d’elle, j’ai reçu une éducation très calviniste, ça ne se fait pas, dans mon milieu, de raconter sa vie. Maman était très contente que je sois comédienne, mais elle aimait mieux que je joue Marivaux ou Shakespeare plutôt que mes solos. Pour elle, raconter sa dépression ou son hydrothérapie du colon, c’est un manque d’éducation, de pudeur. Moi, j’adore passer de l’un à l’autre. Quand on me demande quand aura lieu le prochain solo, je réponds que ça dépendra de ce que je vivrai, je ne vais pas forcer le truc. Si tout à coup, je ne sais pas, mon fils (ndlr. le comédien Léon Boesch) devient papa… Il a 24 ans.» Et elle rêve déjà de faire un spectacle avec lui, autour de la relation mère-fils. Pour l’instant, la pétillante comédienne repart en tournée avec Les femmes (trop) savantes, où elle s’attaque, avec Christian Scheidt, à un des monuments de Molière. Avec la complicité d’Olivier Gabus, qui se joint au duo pour ajouter musique, folie et poésie au spectacle, ils interprètent et revisitent à trois les treize personnages de la comédie la plus ambiguë de Molière. «Certains trouvent que le texte de Molière est misogyne, pas du tout. On fait les pédants, avec Chrisitian, on malmène Olivier, qui n’est « que » le musicien, le technicien, alors que nous, les comédiens, on sait. On fait écho aux femmes savantes qui malmènent les petites gens, la bonne Martine. On s’amuse beaucoup.» Et son public avec elle.

Photo : Magali Girardin

LOUIS BIDON: LE PLEIN D’AMOUR

« C’est mon amoureux qui avait lancé ça, il est entrepreneur, il a toujours des idées rigolotes. Il est boulanger de formation, il a ouvert sa première boulangerie à Lausanne, alors qu’il avait seulement 21 ans, puis deux, trois, une dizaine, je crois. Ensuite, il a tout vendu. Il a développé des trucs en Espagne et dans un délire, il a créé le Louis Bidon. C’est un véhicule de l’intention. Un pur bidon d’amour. Derrière, on peut lire: Ouvrez le Louis Bidon, l’amour va se diffuser dans la pièce. Il y a aussi le Louis Bidon de joie, de bonheur, des choses qu’on ne peut pas donner concrètement. Mais l’intention est là. À la Saint-Valentin, il y a un type qui n’avait rien compris et qui voulait que mon amoureux mette un string dans le bidon. Ben non, c’est l’intention, pas le contenu!»

Photo : Magali Girardin

LA PHOTO CARTE POSTALE ENVOYEE DE VANCOUVER

«Cette photo, je l’ai choisie, car ma petite (ndlr. 16 ans) est actuellement à Vancouver, pour une année. Je suis allée la voir il y a un mois, elle a pris cette photo et l’a transformée en carte postale, c’est trop génial, depuis Vancouver! Elle me l’a envoyée pour la Fête des mères: (elle lit rapidement) Joyeuse Fête des mères, maman, je t’aime très fort, je te fais de gros bisous, j’espère que tu vas bien, merci d’être l’incroyable maman que tu es. Vous voyez? J’ai de la chance.»

Photo : Magali Girardin

UNE BOITE A MOTS A LIRE AVANT LE SPECTACLE

«C’est ma fille Clémentine qui me l’a offerte. Il y a des mots comme merde, et des plus longs: Tu es incroyable pour moi, tu es la personne la plus importante à mes yeux, je t’aime. Ou celui-là: Courage je suis avec toi. C’était très joli. Elle devait avoir 8 ou 9 ans. Aujourd’hui, elle en a 18 et je trimballe encore son pot.»

Photo : Magali Girardin

LA BAGUE DE MAMAN

«C’est une bague qu’on lui avait achetée chez un artisan en Vieille-Ville. Je ne sais même pas ce que c’est comme pierre, mais, vous avez raison, il faudrait que je me renseigne. Elle est trop grande pour moi, alors je ne la mets que de temps en temps, quand j’ai besoin de force ou de courage. Ma mère était une femme extraordinaire, qui nous a élevés toutes les quatre avec des principes comme «bats-toi, débrouille-toi, t’as besoin de personne». Elle ne revendiquait pas l’étiquette féministe, mais en fait, c’était exactement ça. Elle nous a poussées, mes sœurs et moi, à ne jamais être dépendantes de personne, que ce soit financièrement ou émotionnellement.»

Photo : Magali Girardin

LE PRIX SUISSE DU THEATRE

«Une aventure incroyable. Je ne savais pas que ça existait, ce prix. Une jour, une dame de l’Office fédéral de la culture m’appelle pour me dire que j’allais recevoir ce prix. Avec son accent alémanique. J’ai cru à une blague. «Quel prix?» Mais le prix «Actrice exceptionnelle». Je ne savais pas si je devais faire quelque chose en échange de l’argent – il s’agissait, je crois, de 20’000 francs – un spectacle, quelque chose d’autre. Non, non, elle m’a répondu que c’était une reconnaissance, que j’en faisais ce que je voulais. C’est une surprise qui m’a rendue très heureuse. Alors, je n’ai pas de statuette à poser sur une étagère, mais ce diplôme de «comédienne exceptionnelle» imprimé dans nos trois langues sur un papier brillant.»

Photo : Magali Girardin

MA VALISE ROSE

«Je la traîne depuis presque 20 ans. Il y a tout mon bordel, mes trucs, mes dessous, mon maquillage, que je trimballe d’une tournée à l’autre, et quand je n’ai pas ma valise rose, j’angoisse, je me dis que ça ne va pas bien se passer. J’ai aussi peur qu’on me la vole, ou qu’on la confonde avec une autre, même si personne n’a cette valise, tu penses. Mais pour être vraiment sûre, j’ai aussi ajouté mes initiales. C’est devenu mon grigri. J’en ai plein d’autres, de grigris. Mes huiles essentielles, par exemple, là, regardez, j’ai ravintsara, menthe, camomille romaine, vous en utilisez, vous, des fois? Ça calme.»

Brigitte Rosset

1988 Premier engagement comme comédienne dans la pièce Dr Livingstone presume? sous un chapiteau, à Chêne-Bourg.
1994 Début au Théâtre de Carouge sous la direction de Georges Wod.
1997/2003/2005 Naissance de ses enfants.
2001 Premier solo Voyage au bout de la noce sous la direction de Philippe Cohen.
2012 Rencontre de Yann Vaucher, son amoureux.
1988 Premier engagement comme comédienne dans la pièce Dr Livingstone presume? sous un chapiteau, à Chêne-Bourg.
1994 Début au Théâtre de Carouge sous la direction de Georges Wod.
1997/2003/2005 Naissance de ses enfants.
2001 Premier solo Voyage au bout de la noce sous la direction de Philippe Cohen.
2012 Rencontre de Yann Vaucher, son amoureux.