Musique

SUPERBUS « NOUS AVIONS BESOIN DE NOUS RETROUVER… »

Neuf ans après son dernier album, le groupe français revient aux sons de ses débuts, celui de ses plus gros succès, tout en offrant une cure de jouvence à lola et butterfly. C’est sûr, superbus est de retour aux affaires ! Et ce n’est pas jennifer ayache, son leader, qui va dire le contraire…

Par Jean-Daniel Sallin

Crédit : Eric Descout

Tout a commencé par une vidéo publiée sur les réseaux sociaux : face caméra, Jennifer Ayache annonçait ses fiançailles et son mariage prochain à la terre entière. « J’en suis toute émue et toute troublée », finit-elle par dire. Les messages de félicitations ne tardent pas à arriver par dizaines. Un jour plus tard, elle dévoile un faire-part, avec la date de la cérémonie, le 7 février 2025, et le nom de l’heureuse élue : Hoshi. Quant au prêtre, choisi pour célébrer ces noces, ce n’était autre que Nicolas Sirkis, le leader d’Indochine. Autant dire que le buzz était garanti.

Neuf ans après la sortie de son sixième album, Sixtape, Superbus a réussi son retour sous le feu des projecteurs : sur YouTube, le clip Lola totalise plus de 5 millions de vues. Mais, ce titre, sorti en 2006, qui parle de l’homosexualité féminine, à une époque où le mouvement LGBTQIA+ était encore invisibilisé, sert de trait d’union entre les générations. Avec Troisième Sexe, véritable hymne à la tolérance, Indochine avait déjà abordé la question du genre dans les années 80. Quant à Hoshi, elle milite contre l’homophobie, dont elle est souvent victime, notamment avec sa chanson Amour Censure. Il y avait une certaine logique à voir ce trio réuni dans cette vidéo pour « ressusciter » une chanson aussi engagée. « Superbus a été précurseur », dit d’ailleurs Hoshi. « S’il n’y avait pas eu un titre comme Lola, Amour Censure n’aurait pas existé. »

Écouter OK KO, c’est s’offrir une cure de jouvence, grimper dans une DeLorean et régler la date du voyage dans le temps au début du XXIe siècle, autour de cette année 2006 où Superbus transformait en or tout ce que le groupe touchait. Un son qui flirte entre la pop et le rock, des refrains qui restent entre les deux oreilles, une voix, celle de Jennifer Ayache, pétillante et espiègle… Avec ce septième album, Superbus signe « un retour aux sources », après s’être quelque peu égaré dans des projets plus expérimentaux. Et le public, celui des années folles, applaudit des deux mains ! Alors qu’elle jouissait encore de quelques jours de vacances avant la tournée d’automne, nous avons joint Jennifer Ayache, pour qu’elle nous parle de cette « renaissance ».

Superbus

1999 Création du groupe Superbus par Jennifer Ayache et Michel Giovanetti.
2001 Sortie du premier album, Aéromusical.
2005 Remporte le MTV Europe Music Award du « meilleur groupe français ».
2006 Sortie de l’album Wow, avec les tubes : Ça mousse, Lola et Butterfly.
2007 Wow est élu « meilleur album pop rock » aux Victoires de la musique.
2009 L’album Lova Lova se vend à plus de 200 000 exemplaires.
2020 Composé de cinq titres, l’EP XX sort le 13 mars 2020 pour fêter les 20 ans du groupe.
1999 Création du groupe Superbus par Jennifer Ayache et Michel Giovanetti.
2001 Sortie du premier album, Aéromusical.
2005 Remporte le MTV Europe Music Award du « meilleur groupe français ».
2006 Sortie de l’album Wow, avec les tubes : Ça mousse, Lola et Butterfly.
2007 Wow est élu « meilleur album pop rock » aux Victoires de la musique.
2009 L’album Lova Lova se vend à plus de 200 000 exemplaires.
2020 Composé de cinq titres, l’EP XX sort le 13 mars 2020 pour fêter les 20 ans du groupe.

POURQUOI AVOIR ATTENDU NEUF ANS POUR SORTIR UN NOUVEL ALBUM ?

Nous n’avons pas totalement disparu pendant tout ce temps… Nous avons donné des concerts, sorti quelques chansons. Nous avions prévu un EP et une tournée en 2020 pour fêter nos 20 ans, mais la pandémie de Covid-19 a tout arrêté net. Nous avons mis trois-quatre ans pour nous remettre de tout ça et pour retrouver l’inspiration. D’autant que je n’étais pas très productive pendant toute cette période. Je l’ai assez mal vécue. J’avais perdu complètement l’envie de faire de la musique ou quoi que ce soit d’autre. Nous avons aussi pris le temps de trouver le bon concept pour cet album qui revient vraiment aux sons de nos premiers disques…

LE SON DE SUPERBUS A ÉVOLUÉ AU FIL DES ANNÉES. POURQUOI CE RETOUR AUX SOURCES ?

C’était l’humeur du moment… On a passé une période à se chercher, à essayer des choses, parfois plus électro, à travailler avec d’autres personnes. Il y a eu plusieurs directions ! Là, nous avions juste besoin de nous retrouver en groupe et d’enlever ce côté informatique qu’on entend dans les productions actuelles, avec tous ces synthés et ces logiciels qui jouent. Nous avions envie d’un truc plus organique, plus humain, nous voulions surtout retrouver les méthodes que nous avions au début du groupe : aller en répétition, jouer les titres ensemble en live avant de les enregistrer en studio… C’est ce qui a donné son caractère à cet album !

LE FAIT QUE VOS DERNIERS ALBUMS, SUNSET ET SIXTAPE, AIENT MOINS BIEN MARCHÉ VOUS A-T-IL INCITÉ À REVENIR AU SON D’ORIGINE ?

Je ne sais pas… Peut-être inconsciemment… Nous avions pris beaucoup de plaisir à explorer d’autres styles dans nos albums précédents. Ce n’est donc pas si calculé. Nous avions juste envie de nous retrouver en groupe et de reprendre les influences qu’on aimait bien (ndlr. No Doubt, Garbage, Sum 41, etc.).

VOUS AVEZ AUSSI CHOISI DE REMETTRE VOS TUBES, LOLA ET BUTTERFLY, AU GOÛT DU JOUR. POURQUOI ?

Là aussi, ce n’était pas prévu. On s’est dit ensuite que cela pouvait servir de piqûre de rappel pour les personnes qui nous avaient écoutés dans les années 2000 et qui étaient partis sur autre chose. Pour nous, cela nous a permis d’inviter des amis artistes à chanter avec nous. Je savais qu’Hoshi avait beaucoup écouté la chanson Lola quand elle était adolescente. Comme c’est une copine, c’était assez simple de lui proposer cette collaboration. D’ailleurs, elle a accepté tout de suite.

ÉTAIT-CE AUSSI SIMPLE D’EMBARQUER NICOLAS SIRKIS, LEADER D’INDOCHINE, DANS CE PROJET ?

Bizarrement, oui ! Nicolas, cela fait vingt ans que je le connais et je lui ai souvent proposé des projets. Cela fait longtemps que j’avais envie de faire un titre avec lui, mais il avait toujours éludé la chose… Pour Lola, en revanche, il m’a dit oui tout de suite. C’était fluide, donc, ça l’a fait marrer d’être avec nous sur ce titre-là.

QUE REPRÉSENTENT CES DEUX CHANSONS POUR VOUS ?

Ce sont comme des enfants… Des titres à qui l’on doit beaucoup. Évidemment, il y a d’autres chansons qui ont bien marché, comme Ça mousse, Addictions ou Travel the World. Mais ces deux-là sont celles qui nous représentent !

SELON VOUS, SONT-ELLES TOUJOURS D’ACTUALITÉ ?

On s’en est rendu compte en sortant cet album : elles ont autant d’impact qu’en 2006. Le public est content de les redécouvrir et, même, de les découvrir, puisqu’en concert, les parents qui nous écoutaient viennent désormais avec leurs enfants… C’est beau quand des chansons traversent les années et continuent de faire danser et chanter les spectateurs.

VOUS PARLIEZ D’UNE PIQÛRE DE RAPPEL… AVIEZ-VOUS PEUR QUE LE PUBLIC VOUS OUBLIE ?

Ce n’est pas qu’on avait peur… Les gens vous oublient à un moment donné. Dès l’instant où vous ne passez plus à la radio ou à la télévision, une partie du public, celle qui consomme la musique comme ça, pense que vous ne faites plus rien ou que le groupe n’existe plus. Alors que nous avons toujours été là et que nous avons continué à faire de la musique. C’est une période comme ça, ça tourne, il y a d’autres artistes, c’est cyclique ! Mais, lors de nos derniers concerts, les salles sont toujours pleines : cela signifie aussi que nos fans de la première heure sont aussi restés fidèles.

VOUS AVEZ ENCHAÎNÉ LES FESTIVALS PENDANT L’ÉTÉ. COMMENT SE SONT PASSÉES LES RETROUVAILLES AVEC LE PUBLIC ?

C’était fou. On avait l’impression de revenir vingt ans en arrière. Quand on a des titres qui passent à la radio, l’engouement n’est plus le même en live. Il y a un truc qui se passe ! Il y a du monde partout, les gens sont contents… On a vraiment passé un bel été. Et, nous nous réjouissons déjà de la tournée qui arrive en octobre, avec le Zénith à Paris (ndlr. 16 octobre).

AVEZ-VOUS TOUJOURS LA MÊME ÉNERGIE POUR PARTIR EN TOURNÉE ?

Oui, j’espère… C’est très physique, il faut s’entraîner comme des sportifs, faire du cardio, pour tenir la distance. On sent qu’on a quelques années de plus (rires). Mais on le fait, on gère, et le public donne tellement d’énergie qu’on oublie qu’on n’a plus 20 ans.

QUE REPRÉSENTE CETTE TOURNÉE POUR VOUS ?

C’est la raison pour laquelle on fait des albums : partir sur les routes pour défendre nos titres sur scène. C’est un exercice différent que le studio. On est vraiment impatient de faire cette tournée, d’autant plus qu’on prépare un vrai spectacle pour le Zénith de Paris. On avait des envies qu’on n’a jamais eu l’occasion de concrétiser, on va profiter de cette tournée d’automne pour le faire…

LE MARCHÉ DU DISQUE A BEAUCOUP ÉVOLUÉ EN NEUF ANS. QUEL REGARD PORTEZ-VOUS SUR CETTE ÉVOLUTION ?

Je suis partagée sur ce qui se passe en musique aujourd’hui. Cela va tellement vite ! La nouvelle scène en France est vachement bien, avec des artistes comme Zaho de Sagazan ou Pierre de Maere, très portés sur le texte. Pour le reste, il y a près de 100 000 titres qui sortent par jour, c’est énorme et, dans le lot, c’est rare qu’il n’y ait que du bon son. J’essaie de rester curieuse, mais je garde mes coups de cœur pour des choses que j’ai découvertes quand j’étais ado. Comme beaucoup, je pense… On écoute la musique qu’on aimait à notre adolescence.

TOUT VA PLUS VITE AUJOURD’HUI AVEC LES RÉSEAUX SOCIAUX, LES GENS ONT PEUT-ÊTRE envie DE SE RACCROCHER À QUELQUE CHOSE… FINALEMENT, VOUS REVENEZ AU BON MOMENT, NON ?

Sûrement. Le public a besoin de se raccrocher à son enfance, à ce qui peut le rendre nostalgique. Du coup, les artistes qui sont arrivés il y a 20-30 ans sont remis au goût du jour. Regardez Indochine ! Cela fait quarante ans qu’ils sont présents, et ils continuent de remplir des stades. On a besoin d’être rassuré par des trucs qu’on connaît, je pense !

VOUS ÉCRIVEZ ET COMPOSEZ TOUS LES TITRES DE SUPERBUS… COMMENT SE PASSE LE PROCESSUS DE CRÉATION ?

J’ai besoin de vivre des choses. M’imprégner, observer, ressentir des émotions pour avoir des chansons à écrire… C’est pourquoi cela prend un peu de temps entre les albums. Mais j’écris tout le temps, des bouts de textes qui n’auront pas forcément leur place sur un album. En plus, comme c’est notre septième album, on s’est mis un peu la pression, on avait envie de faire un album dont on est fier.

QUELLES SONT VOS SOURCES D’INSPIRATION ?

J’ai toujours un cahier avec moi dans lequel je couche des idées. J’observe ce qui se passe chez mes amis, chez les gens que j’aime, je note leurs réactions. Je me mets aussi dans des histoires ou des situations compliquées pour pouvoir écrire des chansons. (sourire) C’est difficile à expliquer. Parfois, tout part d’une suite de mots, parfois, c’est la musique qui m’inspire une histoire. J’essaie ensuite de jouer avec des syllabes qui sonnent…

VOUS COMPOSEZ LA MUSIQUE AVANT ?

Oui, le plus souvent ! Je pars de la musique, c’est elle qui va m’inspirer une phrase, laquelle deviendra une chanson !

VOUS PORTEZ CE GROUPE À BOUT DE BRAS DEPUIS PLUS DE VINGT ANS. EST-CE DIFFICILE D’ÊTRE LEADER DE SUPERBUS ?

Oui, c’est compliqué. Je suis une fille, je suis plus jeune qu’eux… Il y a aussi beaucoup d’egos dans un groupe. Ce n’est pas toujours évident à gérer. Mais c’est aussi comme une famille. Je considère ces garçons-là comme mes grands frères. Chacun a son rôle dans le groupe. Il y a des moments où ça va, d’autres où ça va moins bien. Parfois, on n’a pas envie de se voir et, après, on finit par se manquer… C’est marrant !

LORSQUE VOUS AVEZ CRÉÉ SUPERBUS EN 1999, IL Y AVAIT UNE VRAIE VOLONTÉ D’ÊTRE DANS UN GROUPE ?

Complètement. Tout ce que j’écoutais quand j’ai commencé à faire de la musique, vers 12-13 ans, ce n’était que des groupes, avec des filles comme leaders : No Doubt, Texas, Garbage, Blondie… Ça me fascinait ! Je trouvais que ces filles avaient l’air fortes. Du coup, lorsque j’ai commencé à écrire mes premières maquettes, je me suis imaginée avec une équipe de musiciens autour de moi pour faire des concerts. J’ai beaucoup de mal avec l’idée d’être toute seule sur scène, en frontal.

VOUS AVEZ POURTANT TENTÉ UNE EXPÉRIENCE SOLO (NDLR. AVEC L’ALBUM « +001 » EN 2013) ?

C’est vrai. J’aime bien essayer des choses qui me font peur. J’ai apprécié l’expérience. Mais je ne me sentais pas totalement à l’aise. Je me sens mieux avec mes copains. (sourire)

ET ALORS, COMMENT GÉREZ-VOUS LES EGOS DANS LE GROUPE ?

Comme on peut… On gère comme dans sa vie personnelle, avec son couple ou sa famille. C’est pareil. Là, il y a juste des contrats au milieu qui complique parfois les choses. Mais ça va, en 25 ans, on n’a changé que trois fois de batteur ! (ndlr. Romain Bachelard est dans le groupe depuis 2023)

AVEC WOW EN 2006, PUIS LOVA LOVA EN 2009, LE SUCCÈS A ÉTÉ ÉNORME. EST-CE FACILE DE COMPOSER AVEC LA CÉLÉBRITÉ ?

Il faut avoir la tête sur les épaules, ne pas perdre ses repères, ne pas se prendre pour ce qu’on n’est pas… Franchement, on ne s’attendait pas à vivre tout ça. Alors, remporter une Victoire de la musique, vendre tous ces albums, entendre nos titres à la radio ou à la télévision, ce n’était que du plaisir ! On a l’impression que ce succès nous permettra de faire encore beaucoup d’autres projets. C’est super motivant. En revanche, je n’ai jamais couru après cette espèce de reconnaissance dans la rue, je ne suis pas très à l’aise avec tout ça…

EN AVEZ-VOUS PARLÉ AVEC VOTRE MAMAN, CHANTAL LAUBY ?

Pas trop… À l’époque des Nuls, c’était un peu comme les Rolling Stones ! (rires) J’étais encore petite, mais je m’en rappelle comme si c’était hier : les gens les attendaient à la sortie de l’émission, ils criaient, demandaient des photos, c’était la cohue ! J’ai vu ma mère dans cette situation-là : elle a toujours été modeste, accessible, gardant les pieds bien ancrés sur terre. Le public a toujours été très gentil avec elle. À ses yeux, ce n’étaient pas des fans, mais seulement des amis. Elle m’a inculqué cette idée-là. Du coup, le succès ne me fait pas perdre la tête. 

« OK KO », de Superbus, Warner Music.

Informations et dates de tournée sur www.superbus.fr

JENNIFER AYACHE, La Française a toujours rêvé d’être leader d’un groupe : elle a créé Superbus en 1999.

FAUX MARIAGE : Sur les réseaux sociaux, Jennifer Ayache a annoncé ses fiançailles avec Hoshi pour la sortie du clip Lola.