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Aliose : Les secrets d’un couple qui crée

Parents d’une petite Aïcéa depuis quatre mois, Alizé et Xavier se racontent au travers de six objets personnels. Une autre manière de découvrir ce duo d’artistes.

Les deux auteurs-compositeurs, Alizé et Xavier, nous accueillent chez eux, dans un nouvel appartement lumineux au dernier étage d’une ancienne fromagerie vaudoise. Le duo forme désormais un trio. Alizé nous embrasse avec, dans ses bras, Aïcéa, née il y a quatre mois. Pendant qu’elle se prépare pour les photos, Xavier prend la relève de la petite. Puis Alizé. Puis Xavier. Aïcéa circule entre ses parents comme dans une tendre danse. On remarque que ça se passe également ainsi, lorsque les artistes travaillent. Ils se passent et se partagent les mots, les mélodies, avançant ensemble ou l’un après l’autre dans le processus créatif. Ils se confient un texte, une suite de notes, avant de les reprendre, puis de se les soumettre à nouveau. Les traversées et les allers-retours sont fluides, empreints de douceur et d’habitude. Tout de même, Alizé s’impatiente un peu, il est temps que Xavier lui cède encore le plaisir de porter leur fille. Il fait semblant de ne pas comprendre, se marre et obtempère.

Des moments en solo

Ces deux-là se connaissent depuis toujours. Les 16 ans d’Alizé, les vingt ans de Xavier. Alizé a passé davantage de temps avec Xavier dans sa vie que sans lui. Leur rencontre, c’était en 2004, lorsqu’à Nyon ils font connaissance au sein d’ateliers pour jeunes auteurs-compositeurs. L’entente est professionnelle autant qu’amoureuse. Le couple forme une équipe. La confiance règne, pas la candeur. Alizé et Xavier n’hésitent pas à aborder les sujets qui fâchent ou abîment, dans leurs chansons ou dans leur vie privée. La fidélité, la forme à lui donner si l’on souhaite qu’elle demeure possible. L’envie de fuir l’autre, parfois, ce binôme, celui sans lequel on ne serait rien, ou tout, ou autre. La maternité, la paternité qui sépare autant qu’elle unit. Le divorce. Ils ont chacun leur arbre à badges. Souvenir des quelques 500 concerts qu’ils ont donnés depuis qu’ils forment Aliose. On leur fait remarquer qu’ils pourraient n’en garder qu’un, plutôt que d’avoir l’imposante somme de badges de concerts qu’arbore joyeusement Xavier, à double. Oui, mais si on se sépare, on fait comment?

Ben oui, il nous faut chacun le nôtre, admet Alizé dans un sourire, qui laisse entendre que l’éventualité de la séparation n’est qu’un leurre pour éviter de se considérer comme acquis. Autre ruse pour faire durer l’amour, des moments de création solo, ou avec d’autres. En plus de ses compositions pour Aliose, Xavier travaille depuis longtemps à un roman, et a sorti en 2019 un magnifique recueil de poésie Tu liras sur mes murs aux éditions Slatkine, dont il a fait un «Spectacle électro-acoustico-poétique» avec le musicien Félix Bergeron. De son côté, Alizé montera sur scène avec trois autres artistes, dont le comédien Guillaume Pidancet, pour une performance électro-théâtrale, Dépendances, les 21 et 22 janvier au Manège, à Onex. En attendant, les fêtes se passent en famille, avec Aïcéa, ses oncles et tantes, ses grands-parents, et ses cousins. Alizé entraîne sa voix pour les histoires qu’elle lira et chantera à ses neveux, et Xavier complète l’album des premières fois in utero de leur petite. On sait que de multiples autres suivront, tant ce collectionneur et historien de formation est attaché à conserver une trace des moments qui comptent.

Photos: Vincent Calmel

le carnet de notes de xavier

«Je l’ai sur moi en permanence, quand il n’y a plus de pages, je l’archive et j’en prends un nouveau. Je prends des notes sur tout. Des paroles de chansons, des idées ou des morceaux de mon roman, des textes que j’ai réunis dans mon premier recueil de poèmes, Tu liras sur mes murs. Je retranscris aussi mes rêves, ou des pensées. Le désavantage, c’est qu’il faut ensuite tout passer à l’ordinateur, mais ça me permet déjà d’opérer un tri. Cela dit, il m’arrive de plus en plus souvent de commencer directement au clavier.» «Tout se perd», dit-il d’un ton caricaturalement désabusé, et on sent que le poète abrite aussi ce personnage trop vieux pour son âge, passionné d’histoire et archivant scrupuleusement dans son grenier souvenirs, notes, manuscrits à leurs diverses étapes de création, et documents administratifs. «Mais mes carnets sont dédiés uniquement à la création, les comptes, la liste de courses, le budget, c’est ailleurs, sur des post it, dans le téléphone ou dans l’ordi.»

Photos: Vincent Calmel

le badge des victoires de la musique

«On a tous les deux notre arbre à badges, on garde les badges de tous nos concerts. Enfin, surtout Xavier, le mien est moins fourni, je suis moins ordrée et moins attachée aux objets. Même si je suis assez nostalgique», précise Alizé, comme pour elle-même. Parmi ces badges, le plus prestigieux: celui des Victoires de la musique. «C’est la plus grande reconnaissance que l’on ait eue, avec notre premier album sorti en France, Comme on respire, nommé dans la catégorie «Album Révélation» en 2018, reprend Xavier. On avait un sacré trac, car la télé est un exercice qu’on n’aime pas, ça n’a rien à voir avec la scène. Tu ne joues qu’un morceau, ça doit être bon tout de suite, c’est difficile de trouver la spontanéité. Sur scène, ce sont les imperfections qui touchent et relient, en télé tu ne peux pas. Mais malgré cela on a passé un bon moment. On a entendu Charlotte Gainsbourg chanter, qui passait juste avant nous, on a oublié le stress, on est entrés dans le bain. Celui de la musique, pas celui du trac.»

Photos: Vincent Calmel

un portrait à montmartre

«Il date de notre premier voyage à Paris, pour fêter nos 6 mois. On ne pensait pas que l’on retournerait aussi souvent à Paris par la suite, encore moins que ce serait pour le travail plutôt que pour le tourisme», dit Xavier. «On ne s’est jamais trouvés ressemblants, mais ça nous a fait rire, et on s’est engagés à l’accrocher chez nous le jour où l’on emménagerait ensemble. Il est resté 12 ans sur nos murs. Maintenant que l’on vient de déménager, il va peut-être finir au grenier. Car Xavier ne jette rien, il range», se moque tendrement Alizé. «Le portrait date de 2004», précise Xavier. Plus tard, à l’issue de notre rencontre il tient à rétablir une vérité, qui importe modérément à Alizé. «Non, ça ne pouvait pas être 2004, il s’agissait de 2005! Mai 2005, pour être précis.» On le croit sur parole. 

Photos: Vincent Calmel

«Play», l’album de moby

Il s’agit du tout premier disque qu’Alizé a acheté avec son argent de poche. À 11 ans. «J’étais surtout fan du morceau qui s’appelle Porcelain, titre que j’ai d’ailleurs repris pour une de mes chansons, la préférée de Xavier, Porcelaine, en français, mais les mélodies n’ont rien à voir. C’était une période où je jouais la comédie au petit théâtre de Lausanne. Entre les deux représentations quotidiennes, je m’allongeais dans la salle, avec le morceau qui tournait en boucle. Le disque est lié à mes premières expériences de scène. À l’époque, c’était plutôt le théâtre qui m’intéressait. La pièce, c’était Heidi et j’avais le rôle de Clara, la petite handicapée. Cela dit, je chantais aussi tout le temps.»

Photos: Vincent Calmel

le pyjama d’aïcéa

«Notre plus belle réalisation professionnelle, c’est certainement les Victoires de la musique et notre plus belle réalisation personnelle, c’est évidemment la petite», explique Xavier. «C’est le premier pyjama qu’elle a porté en sortant de l’hôpital, poursuit Alizé. C’est ma belle-sœur, la femme du frère de Xavier qui nous l’a offert, avec Simba, le personnage du Roi lion, en broderie. Parce qu’elle sait que je suis fan des Disney, je peux vous chanter toutes les musiques. Le Roi lion est un de mes Disney préférés, mais j’aime surtout les personnages de méchants. Quand Scar dit aux hyènes qu’il a prévu de tuer son frère le roi, par exemple.» Elle chante en passant de la voix de Scar à celle des Hyènes: «Soyons prêts. Pourquoi? Pour la mort du roi! Il est malade? Mais non, imbéciles, nous allons le tuer, et Simba aussi. Bonne idée, vivons sans roi. Idiots, il y aura un roi. Mais tu avais dit que… Je serai roi… » «Objet suivant?» l’interrompt Xavier en riant.

Photos: Vincent Calmel

alizé amatrice de whiskys

«Je suis une grande amatrice de whisky, à défaut d’être une grande connaisseuse. Ça vient de mon père qui avait une collection incroyable. Il ne me faisait pas tout goûter parce que j’étais petite, mais j’avais le droit de sentir. J’ai toujours eu une préférence pour les whiskys fumés et tourbés. Cette carafe était à mon grand-père, c’est l’un des rares objets que j’ai récupérés de chez mes grands-parents maternels. Avec le meuble qui est en dessous. C’est un double souvenir, ce coin du salon m’évoque mon père et mon grand-père. Et puis, le whisky, c’est mon petit rituel avant de monter sur scène. Un petit shot et c’est parti. Mais là, depuis que j’allaite la petite, je ne peux plus, pendant quelque temps. Il y a peu d’objets qui ont une valeur pour moi. Parmi ceux-ci, je citerai peut-être aussi la montre de ma grand-mère, que je porte en l’imaginant elle l’avoir à son poignet à mon âge.»

Aliose

2004 Rencontre dans des ateliers pour auteurs-compositeurs-interprètes à Nyon.
2012 Sortie du deuxième album Le vent a tourné.
2016 Signature avec Warner Music France.
2018 Nomination aux Victoires de la musique, dans la catégorie «Album révélation».
2021 Naissance de leur petite fille Aïcéa.
2004 Rencontre dans des ateliers pour auteurs-compositeurs-interprètes à Nyon.
2012 Sortie du deuxième album Le vent a tourné.
2016 Signature avec Warner Music France.
2018 Nomination aux Victoires de la musique, dans la catégorie «Album révélation».
2021 Naissance de leur petite fille Aïcéa.