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Mosimann « J’ai vu Tom Cruise danser sur mon remix… »

Le DJ franco-suisse vient de fouler le tapis rouge de Cannes et continue de faire le buzz sur les réseaux sociaux avec ses « Dream tracks». Depuis sa victoire à la Star Academy en 2008, Il a pris le temps de trouver sa place artistique et profite de ce succès avec humilité. Entretien en toute sincérité.

Par Jean-Daniel Sallin

Crédit : Riche Alexandre

Qui aurait pu imaginer croiser Mosimann à Cannes, sur ce même tapis rouge foulé par Quentin Tarantino, Robert de Niro, Leonardo DiCaprio et Angelina Jolie ? Personne. « Je n’ai pas grand-chose à voir avec le cinéma », s’amuse-t-il d’ailleurs, deux jours après avoir monté les marches du Palais des Festivals. Pourtant, le DJ franco-suisse l’a fait, dans les circonstances qu’il nous explique dans cette interview, et il a profité à fond de cet instant magique.

Depuis 2008 et sa victoire à la Star Academy, « Mosi » en a vécu des expériences, bonnes ou mauvaises. Mais, aujourd’hui, l’homme est « aligné » avec l’artiste qu’il est devenu. À 37 ans, après le triomphe de l’album Mesdames, produit avec Grand Corps Malade, il est désormais reconnu par ses pairs et enchaîne les collaborations fructueuses. Sur les réseaux sociaux, ses « dream tracks » – qu’il crée selon les souhaits de ses invités – sont attendus, chaque lundi, avec impatience par ses followers. Quant à son agenda, il n’a jamais été aussi rempli…

Cet été, Mosimann sera sur la scène du Venoge pour la quatrième année consécutive. « J’ai une belle histoire d’amour avec ce festival, ils m’ont fait confiance, quand j’étais moins connu. Maintenant, c’est à moi de leur rendre la pareille ! Chaque année, j’essaie de trouver une autre formule pour pouvoir revenir… » Malgré la célébrité, le DJ cultive d’ailleurs un lien très fort avec la Suisse et avec la station de Rigi-Kaltbad, dans le canton de Lucerne, où il possède un appartement et où il retrouve son père, Heinz, propriétaire d’une crêperie. « Mosi » nous parle de tout ça dans cet entretien téléphonique chaleureux et authentique.

COMMENT VOUS ÊTES-VOUS RETROUVÉ SUR CE TAPIS ROUGE À CANNES ?

Chez moi, ce sont toujours des histoires un peu farfelues qui m’emmènent dans des endroits inédits. Un jour, c’est une rencontre avec Grand Corps Malade qui me permet de réaliser l’un des albums qui a le mieux marché lors des cinq dernières années. Là, c’est la Paramount qui avait envie de créer quelque chose de spécial pour l’avant-première de Mission Impossible à Cannes : on m’a proposé de remixer le thème du film… Mais, lorsque l’équipe américaine a découvert le projet, elle a donné son accord, mais elle s’est dit que ce serait mieux encore si on jouait ce remix en direct, pendant la montée des marches, avec Tom Cruise et tout le casting. C’était un peu fou ! Et, le hasard du planning a fait que j’ai pu ouvrir la cérémonie, avec une centaine de photographes de chaque côté et le tapis rouge pour moi tout seul.

COMMENT REVISITER UN THÈME AUSSI CONNU ?

En commettant beaucoup d’erreurs… Ma première réaction a été de faire un remix qui me ressemble, quelque chose de dur et dark, très électro. Mais, je suis content de m’être remis en question. En discutant avec les équipes, je suis parti sur un brief plus chic et élégant, à l’image de Cannes et du casting. J’ai préféré me mettre au service du moment et des gens, plutôt qu’à celui de mon ego et de ma musique.

AVEZ-VOUS PU RENCONTRER LE CASTING DU FILM DANS LA FOULÉE ?

Oui, j’ai rencontré toute l’équipe, j’ai pu discuter avec eux. J’ai même vu Tom Cruise danser sur mon remix, ce qui n’est pas rien. (rires) J’en ai profité pour faire un « dream track » avec Pom Klementieff, qui parle très bien le français.

COMMENT VOUS EST VENUE CETTE IDÉE DES « DREAM TRACKS » ?

À l’origine, ça vient d’une pression de scène ! La pression du label, du marketing, du tourneur, de toute l’équipe qui m’entoure… J’avais envie de trouver une idée qui rassemble, mais qui me corresponde aussi. J’ai alors commencé à regarder différents concepts qui existaient sur les réseaux sociaux. Or, je suis plusieurs créateurs de contenus, des photographes, à Lyon, en Belgique ou aux États-Unis, qui partent à la rencontre de différentes personnes dans la rue. Qu’elles soient connues ou anonymes, ils discutent avec elles, laissent un témoignage et terminent cette rencontre avec une photo. Je me suis alors demandé comment traduire cette idée à mon niveau musical… Le « dream track », c’est ça ! Je discute avec les gens, je leur demande ce dont ils rêvent et je traduis ce rêve en musique.

ET C’EST GRAND CORPS MALADE QUI VOUS A MIS LE PIED À L’ÉTRIER…

C’est le premier qui a accepté. Quand j’ai lancé ce concept, je le testais avec les personnes qui m’entouraient : avec Fabien, avec les copains qui passaient au studio… Il y en a également beaucoup qui ne sont jamais sortis : je me faisais la main avec la réceptionniste d’un hôtel, un chauffeur de taxi, des gens croisés dans la rue. Cela m’a permis d’apprivoiser le concept.

« « Le fait d’avoir fait cet album avec Grand Corps Malade m’a donné une chance, mais m’a aussi apporté de la confiance. »»

Mosimann

1988 Naissance le 14 février à Genève.
2005 Devient DJ à Hyères sous le pseudonyme de John Louly.
2008 Remporte la septième saison de la Star Academy. Sort son premier album, Duel, dans la foulée.
2011 Entre dans le jury de l’émission The Voice Belgique.
2020 Compose les titres de l’album Mesdames de Grand Corps Malade.
2024 Crée son premier Dream Track pour… Grand Corps Malade.
1988 Naissance le 14 février à Genève.
2005 Devient DJ à Hyères sous le pseudonyme de John Louly.
2008 Remporte la septième saison de la Star Academy. Sort son premier album, Duel, dans la foulée.
2011 Entre dans le jury de l’émission The Voice Belgique.
2020 Compose les titres de l’album Mesdames de Grand Corps Malade.
2024 Crée son premier Dream Track pour… Grand Corps Malade.

VOUS ATTENDIEZ-VOUS À UN TEL SUCCÈS ?

Pas du tout. Cela a pris des proportions incroyables. Avec des « si », on refait le monde. Mais, je n’aurais certainement pas été contacté par la Paramount si je n’avais pas invité Alain Chabat à faire son « dream track ». Je me suis quand même posé des questions au début… Il est bien beau de lancer un tel concept, mais est-ce que cela se transformerait en demande de booking ou en nombre de followers ? Or, de toute ma vie, je n’ai jamais eu de planning de tournée comme celui-ci. La dernière année a été folle.

ET VOUS ARRIVEZ À RELIER L’AUGMENTATION DES CONCERTS À L’EXISTENCE DE CE CONCEPT ?

Franchement, oui ! Et, ce que j’aime bien avec ce concept, c’est que je peux me dédouaner… Si le morceau est mauvais, ce n’est pas ma faute, c’est celle de mon invité ! (rires) Il m’a demandé des choses trop farfelues, qui partent dans tous les sens. Moi, je ne suis que le vecteur !

EST-CE FACILE DE CRÉER UN « DREAM TRACK » ?

Pour vous dire la vérité, pas du tout ! Plus j’avance, plus les gens connaissent le concept, plus ils veulent me mettre en difficulté. Alain Chabat, par exemple, m’a vraiment mis au défi : il est allé très loin dans la demande volontairement ! Début mai, j’ai tourné celui de Patrick Bruel : j’ai mis du temps à le sortir, parce qu’il était hyper compliqué. Et puis, il y a ceux qui ne sortent jamais… Là, Ben Mazué doit revenir au studio pour tourner son « dream track » : la première fois, je n’y suis pas arrivé !

SONT-ILS DEVENUS DES PASSAGES OBLIGÉS POUR LES PERSONNALITÉS ?

C’est devenu un argument pour les marques et pour les artistes en promotion. J’essaie de m’en servir à bon escient et de n’accepter que des choses qui m’amusent. Je prends l’exemple de McFly et Carlito, deux créateurs de contenus que j’apprécie beaucoup. Ils sont présents sur les réseaux sociaux depuis des années et ils ont toujours dit qu’ils arrêteraient tout le jour où ils ne s’amuseraient plus. Ils ont fait une pause d’un an et demi pour s’occuper de leur famille et pour se remettre en question. Aujourd’hui, ils n’acceptent que les projets qui les font marrer. Je suis complètement là-dedans : je n’accepte que des choses qui ont du sens…

VOUS COMMENCEZ À AVOIR DE NOMBREUX « TRACKS »… QUE FAIRE DE TOUT CE MATÉRIEL MUSICAL ?

C’est la question qu’on me pose le plus souvent. Les requêtes de mes invités ne sont pas libres de droit. Quand on me demande la voix de Michael Jackson ou l’intro de Mission Impossible, tout est protégé par des droits et, évidemment, je n’ai pas la liberté de les monétiser. En revanche, et c’est ce que j’ai fait l’année dernière pour la période de Noël, j’ai proposé un lien sur un site internet où les gens ont pu télécharger le « dream track » de leur choix gratuitement. J’avais produit des versions extended de tous les titres, il y avait donc 56 titres disponibles. Ils existent aussi sur YouTube !

VOUS AVEZ ÉVOQUÉ LA COLLABORATION AVEC GRAND CORPS MALADE, MESDAMES, EN 2020, QUI RESTE UN MILESTONE DANS VOTRE CARRIÈRE. AVEC LE RECUL, QU’EN RETENEZ-VOUS ?

Cela a changé ma vie artistique à ce moment-là. Tout est parti d’une rencontre inattendue au détour d’un bureau. Il m’a demandé si j’avais des compositions en stock. Je lui ai répondu par l’affirmative, mais, je peux le dire aujourd’hui, j’ai un peu menti, je n’avais pas grand-chose… En revanche, j’avais une opportunité incroyable devant les yeux et j’avais une vision. Je suis fan de Grand Corps Malade, et, jusque-là, il avait choisi une direction artistique très traditionnelle. Cela me semblait intéressant de lui amener une part électronique et un peu plus contemporaine. La vraie chance dans cette histoire, c’est qu’il m’a fait confiance et ça n’a pas de prix. On aurait pu se planter… On a vendu plus d’un million d’albums. Cela a changé ma vie, parce que la carte imaginaire que je n’avais pas pour travailler pour les autres, il me l’a offerte.

CE DISQUE A DONC CHANGÉ LE REGARD DES ARTISTES À VOTRE ÉGARD ?

Vous savez, je ne blâme personne. Mes erreurs ont aussi dû rendre tout cela plus compliqué. Je n’ai pas toujours pris les bonnes décisions ou fait les bons choix. Mais, c’est aussi une histoire de moment. Si je pense que le karma a une part importante dans tout ça, la suite est folle : je travaille avec Patrick Bruel, Louane, Claudio Capeo, Barbara Pravi ou Pierre Garnier, sur son premier album… Le fait d’avoir fait cet album avec Grand Corps Malade m’a donné une chance, mais m’a aussi apporté de la confiance. Cela m’a donné des ailes !

Mosimann a eu l’honneur de monter les marches de Cannes. « Le hasard du planning a fait que j’ai pu ouvrir la cérémonie, avec le tapis rouge pour moi tout seul », rigole-t-il.

VOUS PARLEZ SOUVENT DE VOS ERREURS… QUELLES SONT-ELLES ?

Vouloir aller trop vite, avoir peur d’être oublié… C’est aussi une question d’alignement. Je prends l’exemple d’Angèle ou, plus récemment, d’Helena : ce sont des artistes qui, dès leur premier album, dès leur première prise de parole, sont extrêmement alignées. Je suis très impressionné par ça. Et, il existe d’autres artistes, dont je fais partie, médiatisés très jeunes, qui ne font pas immédiatement les bons choix artistiques. J’ai dû mettre quinze ans pour me trouver artistiquement, pour pouvoir me regarder dans le miroir et me dire que ce que je fais aujourd’hui, c’est vraiment moi.

VOUS AVEZ NÉANMOINS FAIT DES CHOIX FORTS, COMME CE JOUR EN 2010, OÙ VOUS FAITES L’OLYMPIA ET VOUS VOUS DITES QUE VOUS N’ÊTES PAS AU BON ENDROIT…

L’Olympia a été le premier élément déclencheur de ce travail sur moi-même et de cette volonté d’alignement. Je suis monté sur scène et j’avais l’impression de ne pas être à ma place. Cela s’inscrivait dans une dynamique de vouloir tout faire pour plaire aux autres. Mais, en amour ou dans le travail, on a une multitude d’exemples qui montrent que ça ne marche jamais… J’avais besoin de m’émanciper de cette image de vainqueur de la Star Academy et de chanteur de variété. Quand on est venu me chercher pour cette émission, je suis devenu un objet. Mon envie de succès et de reconnaissance dépassait l’envie artistique et le respect de moi-même. J’avais renié ma vraie nature jusqu’à faire l’Olympia.

EST-CE QU’IL VOUS ARRIVE DE REGRETTER D’AVOIR FAIT LA STAR ACADEMY ?

Jamais de la vie ! Au même titre que Grand Corps Malade, cette émission a été un moment clé de ma vie. Elle a constitué une mise en lumière et un apprentissage incroyables. N’oublions pas que, même si c’est aussi une émission de télé-réalité, ça reste une vraie école. Je le dis d’autant plus facilement que je l’ai vécu de l’intérieur et que j’ai accompagné d’autres candidats…

DANS UNE INTERVIEW QUE NOUS AVIONS FAITE EN 2008, VOUS DISIEZ QUE VOUS NE POUVIEZ PAS CONCEVOIR VOTRE CARRIÈRE SANS LE PARTAGE. EST-CE TOUJOURS VRAI AUJOURD’HUI ?

Je fais ça pour ça. Mon moteur, ce sont les gens ! Personne ne peut dire aujourd’hui que Mosimann a refusé un autographe. Pour l’avoir vécu, enfant, avec des stars qui m’ont dit non, jamais de la vie… Sans le public, je ne suis rien. Ce n’est pas un refrain pour m’attirer plus de sympathie. Je tiens à être à 100 % avec les gens.

RESSENTEZ-VOUS TOUJOURS LE MÊME PLAISIR DERRIÈRE LES PLATINES ?

Oui. Depuis quelque temps, je m’essaie à de nouvelles difficultés. Dernièrement, j’ai accepté de faire une date à Londres, c’était mal payé, dans un petit club… J’y ai joué quatre heures, mais j’ai pris le même plaisir et j’ai eu le même stress que si j’avais joué devant 50 000 spectateurs au Venoge. Cela m’a rassuré et cela m’a remis les pieds sur terre… Je sais que je vis pour ça !

CELA VOUS ARRIVE SOUVENT DE FAIRE CE GENRE D’EXPÉRIENCE ?

En général, une à deux fois par année, on s’autorise à faire quelque chose pour aider une association, un club ou un petit festival. J’accepte un contrat pour un prix qui n’est pas mon cachet habituel. J’ai le sentiment de faire quelque chose de bien pour la musique. Là, j’ai accepté de jouer pour un festival pas loin de chez moi, vers Interlaken, un festival organisé par des étudiants. Ils n’ont pas beaucoup de budget, mais ils ont la salle, les platines, le soutien de la mairie… Il leur manquait juste la tête d’affiche. En plus, c’est en Suisse alémanique, cela permettra aussi à mon papa de laisser sa crêperie pour venir me voir.

VOUS AVEZ UN APPARTEMENT SUR LE RIGI, PROCHE DE LA CRÊPERIE DE VOTRE PÈRE. IL EST IMPORTANT, CET ENDROIT ?

C’est mon havre de paix. Mon oxygène. Là où mes pieds sont bien sur terre. Je passe la moitié de l’année dans les transports, mais, mes valises, je les fais à la montagne. Si je ne rentre pas chez moi, je ne me sens pas bien. Et, en général, je ne suis pas arrivé depuis une heure que mon père me demande déjà de l’aider à faire les crêpes au restaurant… C’est génial. Un jour, je monte les marches à Cannes, le lendemain, je fais des crêpes. J’aime cette dualité.

QUELLE EST VOTRE PART DE SUISSE EN VOUS ?

Je choisis mon chocolat, mes montres et mes chips Zweifel avec plus de précaution. (rires) Je pense que c’est très lié à l’éducation. Je ne suis jamais en retard, je mange à 19 heures, je ne me plains pas, je me lève tôt… Je suis Suisse dans toute sa conception, avec ses qualités et ses défauts, mais c’est la manière dont j’ai été éduqué.

Au Venoge Festival, le samedi 16 août, sur la Riverstage.
Infos et billets sur www.venogefestival.ch