Genève Ensemble, ils racontent Bernadette

Depuis le 1^er juillet 2019, date de la première à Lourdes, dans les Hautes-Pyrénées, ils racontent, ensemble, l’histoire de Bernadette Soubirous, une adolescente de 14 ans, pauvre et fragile, témoin de plusieurs apparitions à la grotte de Massabielle en 1858. Il n’est pas tout de suite question de la Vierge Marie, mais d’aquerò – « cela » en patois gascon. Basée sur les procès-verbaux des interrogatoires de la jeune femme, cette comédie musicale tient plus du récit historique que d’un « spectacle pour catholiques ». « Il n’y a pas trace de prosélytisme », explique David Bàn. « La Vierge n’est qu’un prétexte. On y parle plus des rapports humains, entre cette fille et son père, sa mère… » Il tire d’ailleurs un parallèle avec Les Misérables de Victor Hugo, paru en 1862, et ses personnages marquants : Cosette, Jean Valjean, Javert… Sans le sou, les Soubirous vivent, il est vrai, à six, dans une seule pièce, insalubre, appelée le « cachot ». Et les assiettes, sur la table, sont souvent vides. « Cette histoire est universelle », ajoute Grégory Deck. « Elle démontre la force d’une enfant qui, malgré la pression de la police et de l’église, a toujours tenu le même discours. Bernadette, c’est une sorte de guerrière et ce spectacle raconte une grande rébellion. » Mais, d’Eyma à Christophe Héraut, de Sarah Caillibot à Roberto Ciurleo, le producteur, tous s’accordent à dire que cette comédie musicale a eu un impact sur leur vie, d’être humain et d’artiste. À tour de rôle, à quelques heures de monter sur la scène de l’Arena, ils parlent d’amour, d’altruisme, de bulle d’oxygène pour le public… Le miracle de l’art, c’est certain !

CROIRE AUX SIGNES

Elle ne connaissait pas grand-chose de Lourdes et de l’histoire de Bernadette Soubirous, lorsqu’elle a passé le casting en 2018. Elle n’avait pas encore 16 ans et sortait de l’émission The Voice Kids sur TF1, éliminée aux battles « sans verser une larme ». Mais, depuis cinq ans, Eyma prête ses traits, et sa voix cristalline, à cette adolescente de son âge « qui se bat pour ses idées ». Et elle a grandi avec elle. Forcément. « J’ai compris l’importance de son message dans la vie des gens, lorsque je me suis retrouvée là-bas, à Lourdes », dit-elle. Sa famille l’y avait accompagnée le temps de la création de la comédie musicale. « Mes parents avaient quitté leur travail pour intégrer l’équipe, mon père, à la billetterie, et ma mère comme assistante de production. Quant à mes frère et sœur, ils ont suivi leurs cours par correspondance. » Eyma croit au destin. Aux petits signes qui se manifestent sur son chemin. Cette aventure humaine, qu’elle aborde avec sérénité, lui a permis de découvrir le théâtre, le jeu d’acteur, et ce besoin, viscéral, de se retrouver sur scène. « Je suis dure avec moi-même, je n’accepte pas facilement les compliments », précise-t-elle. C’est pourtant elle, la cadette de la troupe, qui porte le spectacle sur ses épaules. À la fois déterminée et fragile. Bernadette aurait certainement apprécié…

« CINQ ANS DE LEÇONS DE VIE… »

Regard noir, mèches collées sur le front, le commissaire Jacomet est le méchant de l’histoire, celui qui tente de faire craquer Bernadette avec ses questions à répétition. « Il est à l’opposé  de ce que je suis dans la vie », lâche Grégory Deck. Habitué des comédies musicales (Dracula, Salut les Copains), il a incarné l’apôtre Jean dans Jésus, de Nazareth à Jérusalem. « Mon rêve était de former mon groupe de rock et de partir sur les routes. » Mais, aujourd’hui, il ne changerait sa vie pour rien au monde. « Avec Bernadette, je viens de prendre cinq ans de leçons de vie et de claques dans la tronche. C’est fou, les doses d’amour que nous avons reçues…  Ce spectacle a changé mon regard sur le métier. » Et, comme il déteste rester sans rien faire (« Je m’ennuie très vite ! »), il prépare son premier album et vient de participer à la tournée de Roméo et Juliette en Asie. Un mois et demi entre Taïwan et la Chine qui a enchanté ce passionné de voyages.

LES VALEURS DU TRIATHLON

Ce n’était pas la grande forme ! « Il y a quatre heures, j’étais aphone… » Christophe Héraut ne sait pas encore quel abbé Peyravale le public genevois verra sur scène. « Mon expérience de triathlète me sera utile. » Le comédien est en effet un adepte de l’Ironman. Il a même cueilli le bronze aux championnats du monde, à Nice, en 2023, dans sa catégorie d’âge (55-59 ans). « Même si tu es au bout de ta vie, tu continues de courir. » Le Français est « une tête de bois ». Et pose un regard sans concession sur son métier. Il a travaillé avec Élie Chouraqui (Spartacus) et Robert Hossein (Ben Hur), il a incarné le cardinal Richelieu dans Les Trois Mousquetaires, produit déjà par Roberto Ciurleo. Remettre la soutane pour interpréter ce curé de campagne, qui a pris son bâton de pèlerin pour convaincre le clergé et l’État de construire une chapelle à Lourdes, a ravi ce touche-à-tout.

EN ROUTE POUR L’ITALIE

Il a incarné Danton dans 1789, les Amants de la Bastille, Porthos dans Les Trois Mousquetaires et Kenickie dans Grease – un rôle qui lui valut de recevoir un Marius en 2009. « J’ai aussi joué un milliardaire, amoureux d’une femme de ménage dans Plus Belle la Vie », souffle-t-il. David Bàn a beaucoup bourlingué au cours de sa carrière. À 47 ans, il garde pourtant cette flamme qui l’anime jour après jour et qui l’a poussé à être François Soubirous. « Ce spectacle raconte aussi le rapport d’un père avec sa fille : comment la protéger sans perdre sa dignité ? » Sa chanson, N’être qu’un homme, où il demande pardon à Bernadette, est d’ailleurs l’un des moments forts de la comédie musicale. Émotions garanties ! « Beaucoup de gens se reconnaissent dans ces paroles. » Aujourd’hui, David Bàn se prépare à un nouveau défi : c’est lui que Roberto Ciurleo a choisi pour la prochaine tournée en Italie, en 2025 ! « J’apprends mes textes, avec le bon accent… » La vita è bella !

BERNADETTE A CHANGE SA VIE

Dire que ce spectacle a changé la vie de Sarah Caillibot est un euphémisme… À Lourdes, au cours des cinq mois de résidence au pied des Pyrénées, elle a en effet rencontré son mari et, il y a 14 mois, elle a donné naissance à sa fille, Gabrielle Lourdes. « J’ai chanté jusqu’à huit mois de grossesse », avoue-t-elle. Elle, c’est Louise Soubirous, la mère de Bernadette, qui a, à la fois, honte et peur pour sa fille. « Avec ses couches de jupons, mon costume est lourd à porter. J’ai dû trouver une autre façon de marcher, de bouger. » La France avait découvert la voix de Sarah en 2013, dans The Voice : son interprétation de Pull Marine d’Isabelle Adjani avait séduit les quatre coaches. « Ma première expérience à la TV », se rappelle-t-elle. « Elle m’a aidée à faire les bonnes rencontres. » Parmi elles, Bruno Berberes, directeur de casting, qui l’a embarquée dans cette aventure. « Il y a quelque chose de très cinématographique dans les comédies musicales ! », dit-elle, conquise.